lundi 21 avril 2008

Résumé de la conférence donnée par J.L. Dumoulin à l’Ensam d’Aix en Provence le 16/04/08

Etat Stationnaire(ES) contre Big Bang(BB) : un affrontement épique (Condensé)

Nous avons mis 20 siècles pour passer d’un univers géocentrique à un univers héliocentrique, puis 2 siècles pour passer à un univers « galactique ». En 36 ans nous passerons d’une conception traditionnelle de l’univers vu comme statique et éternel à une conception complètement différente, celle d’un univers dynamique ayant un commencement. Le modèle de l’état stationnaire est un avatar de cette évolution accélérée.

I. les prémisses de l’évolution conduisant à l’affrontement ES contre BB ( avant 1929 )

1- Un vieux problème
Newton et Einstein ont tous deux été obligés de répondre à la question de l’effondrement potentiel de l’univers, l’un par l’intervention divine, l’autre par la constante cosmologique.
La question posée est le maintien de l’équilibre de l’univers.
2-Des observations qui dérangent
Comment concilier un univers « statique » avec l’observation des époux Huggins qui ont mesuré que l’étoile Sirius s’éloignait de nous à 45km/s en 1868 ?
Observation étendue aux galaxies par Vesto Slipher de 1912 à 1927, avec des vitesses d’éloignement pouvant aller jusqu’à 1000km/s
3- Des théoriciens audacieux mais ignorés
-Indépendamment l’un de l’autre, Friedman en 1922 et Lemaître en 1927 revisiteront la relativité générale d’Einstein, et questionneront la constante cosmologique en aboutissant tous les deux à l’hypothèse d’un univers en expansion.
- C’est aussi vers 1929 que s’initie une nouvelle approche du monde des étoiles, Houtermans et Atkinson font l’hypothèse de la fusion nucléaire au sein des étoiles, hypothèse précisée par Hans Bethe qui découvrira les 2 façons viables de transformation de l’hydrogène en hélium .

II- Le Pavé dans la mare

1- Edwin Hubble, le « Titan » de l’astronomie s’attaque aux questions soulevées par les Huggins et V. Slipher en 1929. Il observe des galaxies et calculent leur distance et leur vitesse radiale d’éloignement. Il va trouver que plus la distance d’une galaxie est grande plus sa vitesse « de fuite » est élevée. Ca sera la loi de Hubble V=Hxd .
2 – Cette loi a des conséquence stupéfiantes : l’univers connaîtrait une évolution continuelle sur une échelle cosmique, l’univers ne serait pas statique mais en « expansion », sa densité diminuerait donc et ceci impliquerait un « début », avant de se « dilater », l’univers était « rassemblé ». L’Univers ne serait pas éternel.
Hubble ne veut pas rentrer dans les conséquences de sa loi et s’interdit son interprétation.
Einstein, lui, accepte les conséquences des observations de Hubble et en 1931 abandonne sa constante cosmologique. En 1933, au séminaire de Pasadena c’est l’accord parfait entre Einstein et Lemaître (hélas Friedman est mort).
3- Cependant il y a un grand « HIC », si on calcule l’âge de l’univers à partir de la loi de Hubble il est inférieur à l’âge connu de la terre (1,8 milliards d’années contre 3,4 milliards).
Ceci encourage le scepticisme ( Eddington, Zwicky, Milne) et conduit à une impasse. Une statu quo en faveur de la théorie classique prévaut jusqu’à la seconde guerre mondiale.

III – L’affrontement, état stationnaire contre big bang 1948-1965

1- Une équipe britannique essaye de sortir de l’impasse,

constituée de Fred Hoyle, Gold et Bondi,elle propose une nouvelle théorie qui concilie la théorie classique et les observations de Hubble, c’est la théorie de l’état stationnaire.
L’univers est infini, donc l’expansion ne le modifie pas,
grâce à une certaine création de matière, la densité elle aussi reste inchangée,
ceci aboutit au principe cosmologique parfait, l’univers est pour l’essentiel le même en tous lieux et aussi de tout temps, il n’y a donc pas de big bang.
Cette théorie séduira un certain nombre de physiciens et d’astronomes mais sera loin de faire l’unanimité. Fred Hoyle propose une épreuve de vérification, à savoir la répartition des bébés galaxies dans l’univers, si elle est homogène, c’est que la théorie de l’ES est correcte. Malheureusement en 1948 on est dans l’impossibilité matérielle de faire une telle vérification.
A défaut de convaincre la communauté scientifique, Hoyle va s’adresser au grand public à travers des émissions de télévision, des livres de science fiction et des émissions de radio. C’est au cours de l’une d’elle qu’il créera le terme de big bang pour désigner la théorie adverse à la sienne.

2- Une équipe américaine se fait la championne du big bang,

Georges Gamov, élève de Friedman, va montrer que la quantité d’hélium présente dans l’univers s’explique par ce qui s’est passé dans les 300 secondes qui ont suivi le BB.
Il est aidé par Halpher et Herman. Epistémologiquement parlant sa démonstration est faible parce que il connaissait le résultat à démontrer. Mais l’article qu’il publie sur le sujet fonde la cosmologie moderne. Cependant l’équipe va buter sur la création des éléments plus lourds en commençant par le carbone .
Alpher et Herman prédise l’existence du Rayonnement de Fond Cosmique avec une longueur d’onde de 1 mm.

3 – Fred Hoyle contre-attaque,

en trouvant le chemin des réactions qui, dans les étoiles, mènent à la création du carbone à partir de l’hélium. Il postule ainsi l’existence du carbone 12 « excité », jamais observé ni conjoncturé, en vertu du principe anthropique.
Fowler au Caltech va mettre en évidence l’existence du Carbone 12 excité.
C’est un grand succès pour Hoyle qui rejaillit sur sa théorie de l’ES mais qui ne contredit en rien la théorie du BB.


En 1953 rien ne peut départager les 2 théories qui s’affrontent, la répartition des jeunes galaxies est toujours inconnue, le RFC n’a pas été détecté et l’âge de l’univers est toujours incompatible avec celui de la terre.







IV – Les moments de vérité : les faits parlent

1- Walter Baade remet en cause les distances calculées par Hubble. De fait celles-ci devront être doublées. Il s’ensuit que l’âge estimé de l’univers passe à 3,6 milliards d’années.
Un peu plus tard (1954) Sandage, élève de Baade, revoit encore ces distances, la confusion de régions HII avec des étoiles a provoqué une sous-estimation de ces distances qui sont réévaluées en conséquence, l’âge de l’univers passe à 5,5 milliards d’année. Le grand hic disparaît ainsi, l’âge de l’univers est compatible avec l’âge de la terre.

2 – Avec la découverte des radio-galaxies par Ryle après la seconde guerre mondiale, on a la possibilité de vérifier la preuve que proposait Fred Hoyle. Les radio galaxies sont des galaxies jeunes. En analysant 5000 radio-galaxies Ryle démontre qu’elles sont beaucoup plus nombreuses à grande distance ce qui va dans le sens de la confirmation de la théorie du BB.
La même constatation est faite avec la répartition des quasars.

3 – En 1965 Penzias et Wilson détectent le RFC à la longueur d’onde prévue par Alpher et Herman. C’est le coup de grâce pour la théorie de l’ES.

Epilogue

En 1992 le satellite COBE détecte hors atmosphère le RFC ainsi que ses irrégularités qui expliquent la formation des galaxies. Le BB est confirmé.


Conclusions


C’est la curiosité et la passion des hommes et des femmes cités dans cet exposé, qui alliées à l’avancement des technologies, ont permis d’aboutir à ce qui peut être qualifié de découverte majeure de la science contemporaine.