vendredi 28 novembre 2008

L'ignorance clef de la connaissance

L’ignorance postulat de la connaissance par J.L. Dumoulin 28/11/08

« La philosophie moderne, une note au bas d’une page de Platon ? C’est ce qu’assurait le philosophe britannique Alfred Whitehead au début de ce siècle. Depuis, de Martin Heiddeger à Jürgen Habermas aucun des grands noms de la philosophie ne l’a contredit. » (Catherine Golliau dans « La Pensée Antique »-Tallandier).
Nouvel article de grande ou petite consommation, la pensée antique a le mérite de faire parler du but poursuivi par la philosophie ou les philosophes.

Un but de la philosophie serait de nous faire rentrer en relation avec ce qui est effectif mais qu’est-ce que l’effectif ? –
Ca serait aussi rechercher le Tout par opposition au parcellaire, à l’anecdotique. Mais « l’Homme étant la mesure de toute chose » (Protagoras), le philosophe va poser la question,- qu’est-ce que l’homme?-, question, qui remplacera celle, très primordiale aussi, du principe initial de la nature ? Philosopher serait donc aller vers « Soi », avancer vers le « connais-toi toi-même ». L’homme est-il alors à la fois, l’homme connaissant et, en lui-même, une « image du monde », reconstitue-t-il ainsi son unité originelle supposée de sujet et d’objet, échappe-t-il ainsi au temps, ce faisant, s’égale-t-il aux Dieux ?

Héraclite, philosophe grec de l’antiquité, avec ses « Nombreux » (entendez quelque chose comme la « masse ») dont il écrit « Ils entendent sans comprendre et sont semblables à des sourds. Le proverbe s’applique à eux : présents ils sont absents » et aussi dans une autre assertion de la même veine, toujours à propos des « Nombreux », « ils se semblent à eux-mêmes » prend le problème par le bout opposé et nous montre un homme ordinaire dans l’ignorance. Parménide et Empédocle, en philosophes grecs présocratiques, suivront Héraclite sur ce terrain et Platon inscrira au frontispice de son académie « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre ».
Comment se traduit cette ignorance ? Il semble que l’homme ordinaire, le non-philosophe, s’en tiennent aux sensations et les prennent pour vrais, il en reste ainsi à l’immédiat, il ne « médiatise » pas l’instant et la sensation qui l’accompagne. Sa vie mentale serait un fleuve tumultueux, une sorte de chaos dont rien d’ordonné ni de « construit » n’émerge.
Ainsi l’homme ordinaire est-il ballotté par ses opinions. Beaucoup plus près de nous, un grand épistémologue écrira dans un registre proche :
« … du point de vue de la connaissance commune….l’objet localise un nom dans un vocabulaire plutôt qu’une chose dans un univers. ». Pour Bachelard l’objet/la chose pensé par l’homme vulgaire est un mot en suspension, il n’appartient pas à une grammaire articulée/ ou langage formalisé de mots/symboles/concepts permettant de figurer un univers.
Bien entendu cette notion d’homme vulgaire n’a pas cours chez Bachelard, celle de connaissance commune, si. On objectera sans doute que l’on passe ici au niveau du ou des langages, l’hypothèse de la faculté du langage chez les « Nombreux » sera donc retenue. Se trouve pointer ici avec Bachelard une différence de mode de connaissance et non une différence de mode d’être comme chez Héraclite (« Ils se semblent à eux-mêmes ») ou Platon (ceux qui sont géomètres et les autres).
L’épistémologue Hervé Barreau va plus loin et exprime, à sa façon, cette idée, somme toute évidente que l’homme ne saurait être découpé entre d’une part sa « vulgarité », son appartenance aux « Nombreux » et d’autre part sa « part d’Etre » capable d’avoir accès à une forme de connaissance plus élaborée sinon plus élevée :
« Le premier principe, c’est que les schémas de la connaissance commune ne cessent pas d’habiter l’esprit des scientifiques.
…Il est bien certain qu’un esprit inventif ne doit pas sans cesse faire la police de son esprit ; ce serait la meilleure façon de ne rien inventer du tout. »
Kurt Gödel , le plus grand mathématicien/logicien du XXième siècle, va plus loin et cité par Pierre Cassou-Noguès, écrit :
« Avec chaque formalisation, il y a des problèmes que l’on peut comprendre et exprimer dans le langage ordinaire mais que l’on ne peut pas exprimer dans ce langage formel. Il s’ensuit …. que les mathématiques sont inexhaustibles : il faut toujours, à nouveau revenir à la « fontaine de l’intuition ».
Ainsi, d’une certaine façon, le langage ordinaire peut permettre d’aller plus loin que le langage formalisé, un logos perfectionné auquel Platon aurait sans doute souscrit, lui qui voulait que l’esprit s’ouvre et s’éduque d’abord par les sciences et les mathématiques.
Certes Hervé Barreau nous parle d’un homme ayant un esprit inventif dont on pourrait dire qu’il n’est pas l’apanage « des Nombreux ». Quand à Gödel, qui à la fin de sa vie ne se nourrissait plus que de beurre, il nous démontre, comme beaucoup d’autres, que la quasi folie fait plus pour l’Epistémée, le savoir, que le logos. Les « Nombreux » ne sont donc pas « fous » mais les philosophes le sont-ils ?
On objectera que l’on est là dans l’épistémologie, la philosophie de la connaissance…. qui peut mieux nous parler de l’ignorance que ceux qui réfléchissent sur la connaissance ?

Revenons maintenant plus près de notre « définition » initiale du but de la philosophie qui prend pour point de départ cette sorte de maladie de l’homme qu’elle appelle « ignorance ». Cette « idée d’ignorance » n’est pas propre aux présocratiques ou à Socrates ou à Platon .
L’Inde a développé de telles idées, elles ont été abondamment publiées, je m’en tiens à l’ouvrage de Mircéa Eliade, « Patanjali et le Yoga » dont deux citations suivent

Page 18
(Pour le Sâmkhya et le Yoga), le monde est réel (il n’est pas illusoire,[ comme il est, par exemple, pour le Vedânta]).

Page 23
Non pas n’importe quelle ignorance, mais seulement l’ignorance de la vraie nature de l’esprit, l’ignorance qui nous fait confondre l’esprit avec l’expérience psycho-mentale, qui nous fait attribuer des « qualités » et des prédicats à ce principe éternel et autonome qu’est l’esprit ; bref, une ignorance d’ordre métaphysique.

Bien évidemment cette expérience psycho-mentale ce sont les sensations dans l’immédiateté et ce fleuve désordonné des pensées dont il était question plus haut, alors que l’esprit c’est le Soi du « connais-toi toi-même ». Ce Soi auquel on accède par la contemplation de son propre mode d’être , on est ici au plus près de Socrates. Ce Soi, dans le Sâmkhya, il est inexprimable, d’une passivité éternelle sans désir mais aussi d’une liberté éternelle . Ce Soi-Esprit de la philosophie du Sâmkhya « connaît » et est dans une relation harmonique préétablie avec l’ « intelligence », forme la plus raffinée de l’activité psycho-mentale. Ainsi, via cette relation harmonique, l’homme possède un registre de connaissance transcendantale que Platon homologuera au régime de la réminiscence et qui classiquement est associé à l’idée de connaissance « innée ». Dans ce courant de pensée Indien du troisième siècle de notre ère, il y en a des centaines d’autres, la connaissance est la voie du salut, plus,… de la délivrance de l’homme, un but qui surpasse et de loin, le but de « vérité », je serai tenté de dire de « véracité » des philosophes Grecques dont les points de départ sont somme toute proches.

Dans le texte suivant l’auteur, Mircéa Eliade, généralise le terme d’ignorance et y renvoie même ceux qui font métier de savoir :
…« On dépasse, en d’autres termes, la condition temporelle et la suffisance obtuse qui est le lot de tout être humain par le simple fait que tout être humain est « ignorant », c'est-à-dire qu’il s’identifie, lui, et identifie le Réel, avec sa propre situation particulière. Car l’ignorance est en premier lieu cette fausse identification du Réel avec ce que chacun d’entre nous paraissons être ou paraissons posséder. Un politicien croit que la seule et vraie réalité est la puissance politique, un millionnaire est convaincu que la richesse seule est réelle, un érudit pense la même chose de ses recherches, de ses livres et de ses laboratoires, et ainsi de suite. La même tendance se retrouve également chez les moins civilisés, chez les « primitifs » et les « sauvages ». Avec cette différence, que chez eux, les mythes sont encore vivants et, par conséquent, les empêchent de s’identifier complètement et continuellement avec la non réalité. La récitation périodique des mythes brise les murs élevés par les illusions de l’existence profane. Le mythe réactualise continuellement le Grand Temps et ce faisant projette l’auditoire sur un plan surhumain et surhistorique qui, entre autres choses, permet à cet auditoire d’approcher une Réalité impossible à atteindre sur le plan de l’existence individuelle profane. »

Peut-être trouve-t-on dans ce texte la raison pour laquelle Socrate et Platon, tout en dénonçant la mythologie, forgent et utilisent le mythe comme instrument de démonstration/illustration philosophique. Plus important nous voyons là la confirmation que seule une forme de transcendance dont les modalités peuvent varier du mythe à l’inspiration artistique ou mathématique voir à une certaine folie peuvent permettre d’échapper à la « stupidité » et pour les plus doués ou les plus persévérants d’accéder à une certaine connaissance.

mardi 18 novembre 2008

Le Surnaturel

Penser le surnaturel Sorbonne 2008/2009
Serge Tribolet Psychiatre des hôpitaux, Docteur en philosophie
(notes et adjonctions de J.L. Dumoulin)


Introduction

Penser le surnaturel, ce n’est pas aller vers l’irrationnel, c’est mener une réflexion fondée sur le réel même si Hegel a dit « ce qui est réel est rationnel et ce qui est rationnel est réel ».
Pascal lui dénonce 2 attitudes extrêmes, exclure la raison et n’admettre que la raison (« il n’y a rien de plus conforme à la raison que ce désaveu de la raison… » ).
Spinoza rejette avec force toute idée concernant l’existence d’esprits, spectres, visions et autres « niaiseries »….Il rejette également l’idéalisme de Socrate et Platon, lui préférant la pensée de Démocrite…
Le surnaturel ne s’inscrit pas dans un domaine particulier mais dans une certaine perspective qui peut s’étendre à tous les domaines. On évoquera ainsi le surnaturel, en médecine (psychiatrie), dans la littérature (la poésie), la linguistique (naissance de l’écriture), les mathématiques, la physique…
Prenons l’exemple de la psychiatrie et plus spécifiquement de l’hystérie. L’hystérie est une manifestation que la science positiviste ne comprend pas, elle qui privilégie le comment au pourquoi. Les particularités de l’hystérie sont les suivantes :
- absence d’organicité dans les symptômes, par exemple perte de la vue sans aucune affection ou lésion
- absence de logique anatomique ou physiologique, par exemple paralysie sans implication du système nerveux.
-les symptômes affectent des organes de relation/ de communication avec les autres
-« la belle indifférence » du « malade » à ses symptômes, « il s’en fiche »
-la complaisance somatique, le « choix » du symptôme est orienté par une fragilité préexistante, par exemple paralysie des jambes survenant après une fracture
-théâtralisme (mise en scène inconsciente), les symptômes cessent dès qu’il n’y a plus de spectateur.
L’hystérie a conduit Freud à la notion d’inconscient.
L’inconscient n’est réductible ni à la biologie, ni à la psychologie ni au social. Il ignore la mort et ne répond à aucune catégorie spatiale. Sa spécificité est autre et demande à ce qu’ une autre porte soit ouverte, celle de la surnature de l’homme dans laquelle se situent la foi, l’art, la folie… .Socrate dont la maïeutique anticipe la psychanalyse distingue dans Phèdre 4 espèces de délires divins qui s’associent à cette surnature de l’homme. Après avoir écarté 2 types de délire d’origine organique dont l’ivresse, il distingue :
le délire prophétique, la divination, relié à Apollon en son sanctuaire de Delphes
le délire initiatique dont le Dieu tutélaire est Dionysos (les ménades…)
le délire artistique avec les Muses
la folie amoureuse sous l’emprise d’Eros

I – Le mythe, les mythes

Apollon, Dionysos, les Muses, Eros….nous renvoient à la mythologie grecque. Qu’est-ce qu’un mythe ?
La philosophie prend constamment ses distances par rapport au mythe et pourtant il existe une grande proximité entre les deux.
Le mot mythe prendra son sens actuel à partir de Platon. Le mythe est le récit d’une histoire transmis de génération en génération dont le contenu repose sur des faits non- vérifiables ou non-avérés. Au sens moderne le mythe est une sorte de fiction à laquelle certains peuvent incliner à croire. Autant le mythe est pour le moderne quelque chose de « faux » autant il est possible de montrer qu’il n’y a rien de plus vrai que leurs mythes pour les populations dites « archaïques » (Mircea Eliade). Platon, pourtant contempteur de la mythologie, va dans ce sens, « les mythes, il faut croire ce qu’ils racontent ».
Le mythe ne se situe pas dans le domaine de la véracité des faits. Cette véracité n’intéresse ni les artistes, ni les philosophes, J.J. Rousseau écrira : « commençons par écarter tous les faits.. ». Alors que la vérité adresse l’infini, la véracité ne trace que des faits limités et contingents.
A côté des « mythes » modernes, les mythes anciens subsistent dans notre vie de tous les jours sous des formes dégénérées et dans des mots que nous utilisons quotidiennement et qui trouvent leur source dans la mythologie gréco-romaine, Il en va ainsi, par exemple, de narcissisme, panique, médusé, océan, psychisme, iris, titanesque, minerve, priapisme, aphrodisiaque, nymphomane, hermétique, échographie, cerbère, martial ….
Le mythe renseigne les hommes sur la nature, phusis. Le mythe atteste que quelque chose existe bel et bien, une chose, un animal, un événement, les saisons… un astre, une constellation, le monde… dont les manifestations sont consistantes et durables. En ce sens le mythe fonde et en même temps explique la nature, l’expérience humaine. Le monde n’est pas illusoire et ses manifestations ne sont pas transitoires. Les mythes parlent du pourquoi en disant le comment .Ce faisant ils pérennisent le monde aux yeux d’hommes « primitifs » éprouvant avec acuité la précarité de leur existence et lui donnent un sens.
Le mythe atteste de l’origine du monde (mythe cosmogonique) ou de l’apparition de la vie, de l’homme et de sa destinée (mythe de création). Il apaise les interrogations, les craintes que l’homme « primitif » nourrit à l’égard de ce qui l’entoure et de son propre sort. En ce sens les philosophes présocratiques continueront son oeuvre. Il s’agit pour eux d’apprendre la réalité, la vérité à travers l’étude et la réflexion sur la nature, pour eux le « savoir est extérieur ».
Socrate, lui, non seulement dira que l’homme connaît à partir de l’intériorité, c’est la priorité au « connais-toi toi-même » mais aussi qu’il faut mettre les mythes de côté , que la philosophie commence quand les oracles se taisent, que l’esprit se réfléchit sur lui-même et (qu’alors)les Dieux se taisent.
Cependant, paradoxalement, Platon dans son « Phèdre » et avec lui Socrate fait un retour vers le présocratisme et exprimera sa pensée sous forme de mythe. Si dans une première partie du texte il énonce un discours très rationnel concluant que l’amour, en tant que passion, est mauvais car c’est un obstacle sur le chemin de la philosophie ; dans la deuxième partie du texte, réalisant qu’il a blasphémé vis-à-vis du Dieu de l’amour il tient un discours élogieux sur Eros, célèbre l’immortalité de l’âme et « dit » le mythe des 2 chevaux ailés, l’un blanc, l’autre noir.
Dans Phèdre Platon célèbre la nature en tant que lieu sacré et nous parle de l’esprit des lieux, la nature a une âme. Le site et le Dieu qui l’habite précède l’édification du temple qui lui sera dédié, de même que l’oracle, en tant que site, est résidence du Dieu. Lorsqu’on se tourne vers les origines, la nature est le texte du message divin, le savoir est alors bien extérieur. Dans Phèdre Socrate effectue un parcours spirituel, remontant, à l’heure sacrée, le cours du ruisseau vers sa source, reprenant le mythe des cigales et écoutant le platane divin renonce à la philosophie et approche de la transe dont il fait l’éloge en tant que don des dieux.

Le mythe apparaît ainsi comme un vestige d’une ancienne connaissance, d’une sagesse antique cryptée. En termes modernes on parlera d’une pensée aliénée par le Dieu et la nature par rapport à une pensée autonome à l’homme lui-même.
Par opposition la philosophie, pour Platon, est une réminiscence, celle d’une âme qui a connu les « intelligibles » dans un autre monde et qui revient sur terre et se rappelle.
Dans la philosophie socratique et le « connais-toi toi-même, l’oracle est intérieur et propose des questions qui sont autant d’énigmes. La plus fondamentales d’entre elles étant celle de la pensée réflexive : « je pense que je pense que je pense que je pense…. ». Dans une telle suite, comme avec deux miroirs qui sont face à face le regard et la pensée se perdent vers un point de convergence aveugle sur lequel… le mythe se tient.
Ainsi, la philosophie prend constamment ses distances par rapport au mythe et pourtant il existe une grande proximité entre les deux.
Cette proximité en engendre d’autres et c’est la raison pour laquelle Platon a écrit « pour nous, c’est Dieu qui doit être la mesure de toutes choses » en opposition à la célèbre assertion de Protagoras ; Saint Augustin lui nous dit «crois et tu comprendras, la foi précède et l’intelligence suit ».
A la fin du « Banquet », au chant du coq, Socrate nous dit « sortons », comme dans « Phèdre » il nous dira « allons marchons ».


II- La divination


Les « Anciens » avaient le même mot pour la divination et la folie (manteïa et mania).
Socrate a déclaré que « c’est sous l’emprise de la folie que les prophétesses de Delphes ont le plus rendu service à la Grèce ».
La divination est omniprésente dans la culture Gréco-romaine. Elle est censée pallier aux insuffisances de l’esprit humain en lui permettant de connaître ce qu’il ne peut connaître par ses propres forces. Elle s’étend non seulement à l’avenir mais aussi et peut-être encore plus au présent et au passé. Il s’agit de connaître la volonté des Dieux.
L’omniprésence de la divination est attestée par la racine d’un nombre considérable de nos propres mots d’origines gréco-latines. On retrouvera des racines dont le sens est lié à la divination dans des mots tels que, par exemple, fortune, sortir, oiseau, bonheur, divin, temple, sinistre, désir, foyer, manie, enthousiasme, obscène……
D’une certaine façon la divination antique s’associe à une démarche de type « scientifique » dans la mesure où Pythagore définit la science comme « la faculté de voir les signes octroyés par les Dieux aux hommes ». Or l’oracle est la réponse donnée par un Dieu à une question. Cette réponse est souvent énigmatique et en tant que signe nécessite une interprétation.
Il faut donc aussi développer une certaine « science » de la divination.
Si les réponses des Dieux sont collectées aux oracles (désignant dans ce sens le lieu où tel Dieu « parle ») par une pythie (de Delphes par exemple) ou une sibylle (d’Erythrée ou de Cumes en Italie…), les Dieux peuvent aussi s’exprimer par d’autres formes de signes,
dans les songes,
par le vol des oiseaux ( ornithomancie),
par des tremblements de terre (pour exprimer leur colère),
par des signes célestes ( éclipse de soleil ou de lune…),
par les éclairs, orages, météorites….
L’oracle peut être rendu par le son du feuillage d’un arbre ou le bruissement d’une source.
Sont également des signes envoyés par les Dieux des sons tels l’éternuement ou le hoquet .

La collecte des signes divins servant à divination peut revêtir encore d’autres modalités, comme l’observation des viscères d’animaux sacrifiés ou à partir d’un passage de livre ouvert au hasard, tels sont les oracles dits de Virgile prononcés en ouvrant un ouvrage de cet Auteur.

La divination suppose un devin. Le devin a un savoir précis. Il distingue les signes et les interprète en signification, présages.. C’est un « technicien » (… par rapport à la pythie) ; il disposera d’un manuel d’interprétation des présages, certains, les chresmologues, diffuseront des recueils de signes et d’oracles.
La divination dans l’antiquité se fonde sur l’idée de l’organisation divine du monde, impliquant une complète harmonie ou symétrie entre les différents éléments du cosmos tels que matière/esprit, ordre cosmique/destinée humaine….Le moteur et la finalité de cette harmonie c’est la beauté qui est étroitement associée au Bien, c’est ce qu’exprime le mot cosmos par lui-même.