dimanche 7 décembre 2008

Les jeux du cirque

Bravo l’artiste


Au cirque.
Au milieu du numéro, étrangement, l’artiste sollicite les applaudissements du public. Il exprime clairement par le geste son souhait d’être ovationné par les spectateurs et encourage ceux ci à répondre à sa demande. Sa performance, honorable, n’a pourtant pas fait encore dans l’exceptionnel.
En même temps qu’il demande à être reconnu pour ce qu’il a déjà fait, il sollicite une sorte d’autorisation à continuer, un encouragement à aller plus loin ainsi que l’enthousiasme du public pour l’accompagner sinon pour participer à l’étape suivante de son numéro. « Voulez-vous que j’aille plus loin, êtes vous prêts à m’accompagner ? »
Il va tenter d’établir une communion avec le public à travers le partage d’un rythme commun, celui des applaudissements, de la musique.
Littéralement soutenu par les spectateurs sa performance va crescendo ainsi que le rythme des applaudissements ou de la musique. Sa performance devient celle du public.
A un certain moment le rythme stoppe, la musique s’arrête, la salle dans son entier est arrivée, à son point de non retour, public d’accord ou non, l’artiste, gonflé de l’énergie de tous, va accomplir tout seul son destin, il va tenter l’impossible. Les souffles sont suspendus. Le drame atteint son paroxysme, le public aura-t-il mis à mort l’artiste…avec son consentement ?
Rythme, sacrifice, catharsis ……..il y a là quelque chose comme une corrida…jeux du cirque !

J.L. Dumoulin 6/12/08
Jeanl.dumoulin@wanadoo.fr

vendredi 28 novembre 2008

L'ignorance clef de la connaissance

L’ignorance postulat de la connaissance par J.L. Dumoulin 28/11/08

« La philosophie moderne, une note au bas d’une page de Platon ? C’est ce qu’assurait le philosophe britannique Alfred Whitehead au début de ce siècle. Depuis, de Martin Heiddeger à Jürgen Habermas aucun des grands noms de la philosophie ne l’a contredit. » (Catherine Golliau dans « La Pensée Antique »-Tallandier).
Nouvel article de grande ou petite consommation, la pensée antique a le mérite de faire parler du but poursuivi par la philosophie ou les philosophes.

Un but de la philosophie serait de nous faire rentrer en relation avec ce qui est effectif mais qu’est-ce que l’effectif ? –
Ca serait aussi rechercher le Tout par opposition au parcellaire, à l’anecdotique. Mais « l’Homme étant la mesure de toute chose » (Protagoras), le philosophe va poser la question,- qu’est-ce que l’homme?-, question, qui remplacera celle, très primordiale aussi, du principe initial de la nature ? Philosopher serait donc aller vers « Soi », avancer vers le « connais-toi toi-même ». L’homme est-il alors à la fois, l’homme connaissant et, en lui-même, une « image du monde », reconstitue-t-il ainsi son unité originelle supposée de sujet et d’objet, échappe-t-il ainsi au temps, ce faisant, s’égale-t-il aux Dieux ?

Héraclite, philosophe grec de l’antiquité, avec ses « Nombreux » (entendez quelque chose comme la « masse ») dont il écrit « Ils entendent sans comprendre et sont semblables à des sourds. Le proverbe s’applique à eux : présents ils sont absents » et aussi dans une autre assertion de la même veine, toujours à propos des « Nombreux », « ils se semblent à eux-mêmes » prend le problème par le bout opposé et nous montre un homme ordinaire dans l’ignorance. Parménide et Empédocle, en philosophes grecs présocratiques, suivront Héraclite sur ce terrain et Platon inscrira au frontispice de son académie « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre ».
Comment se traduit cette ignorance ? Il semble que l’homme ordinaire, le non-philosophe, s’en tiennent aux sensations et les prennent pour vrais, il en reste ainsi à l’immédiat, il ne « médiatise » pas l’instant et la sensation qui l’accompagne. Sa vie mentale serait un fleuve tumultueux, une sorte de chaos dont rien d’ordonné ni de « construit » n’émerge.
Ainsi l’homme ordinaire est-il ballotté par ses opinions. Beaucoup plus près de nous, un grand épistémologue écrira dans un registre proche :
« … du point de vue de la connaissance commune….l’objet localise un nom dans un vocabulaire plutôt qu’une chose dans un univers. ». Pour Bachelard l’objet/la chose pensé par l’homme vulgaire est un mot en suspension, il n’appartient pas à une grammaire articulée/ ou langage formalisé de mots/symboles/concepts permettant de figurer un univers.
Bien entendu cette notion d’homme vulgaire n’a pas cours chez Bachelard, celle de connaissance commune, si. On objectera sans doute que l’on passe ici au niveau du ou des langages, l’hypothèse de la faculté du langage chez les « Nombreux » sera donc retenue. Se trouve pointer ici avec Bachelard une différence de mode de connaissance et non une différence de mode d’être comme chez Héraclite (« Ils se semblent à eux-mêmes ») ou Platon (ceux qui sont géomètres et les autres).
L’épistémologue Hervé Barreau va plus loin et exprime, à sa façon, cette idée, somme toute évidente que l’homme ne saurait être découpé entre d’une part sa « vulgarité », son appartenance aux « Nombreux » et d’autre part sa « part d’Etre » capable d’avoir accès à une forme de connaissance plus élaborée sinon plus élevée :
« Le premier principe, c’est que les schémas de la connaissance commune ne cessent pas d’habiter l’esprit des scientifiques.
…Il est bien certain qu’un esprit inventif ne doit pas sans cesse faire la police de son esprit ; ce serait la meilleure façon de ne rien inventer du tout. »
Kurt Gödel , le plus grand mathématicien/logicien du XXième siècle, va plus loin et cité par Pierre Cassou-Noguès, écrit :
« Avec chaque formalisation, il y a des problèmes que l’on peut comprendre et exprimer dans le langage ordinaire mais que l’on ne peut pas exprimer dans ce langage formel. Il s’ensuit …. que les mathématiques sont inexhaustibles : il faut toujours, à nouveau revenir à la « fontaine de l’intuition ».
Ainsi, d’une certaine façon, le langage ordinaire peut permettre d’aller plus loin que le langage formalisé, un logos perfectionné auquel Platon aurait sans doute souscrit, lui qui voulait que l’esprit s’ouvre et s’éduque d’abord par les sciences et les mathématiques.
Certes Hervé Barreau nous parle d’un homme ayant un esprit inventif dont on pourrait dire qu’il n’est pas l’apanage « des Nombreux ». Quand à Gödel, qui à la fin de sa vie ne se nourrissait plus que de beurre, il nous démontre, comme beaucoup d’autres, que la quasi folie fait plus pour l’Epistémée, le savoir, que le logos. Les « Nombreux » ne sont donc pas « fous » mais les philosophes le sont-ils ?
On objectera que l’on est là dans l’épistémologie, la philosophie de la connaissance…. qui peut mieux nous parler de l’ignorance que ceux qui réfléchissent sur la connaissance ?

Revenons maintenant plus près de notre « définition » initiale du but de la philosophie qui prend pour point de départ cette sorte de maladie de l’homme qu’elle appelle « ignorance ». Cette « idée d’ignorance » n’est pas propre aux présocratiques ou à Socrates ou à Platon .
L’Inde a développé de telles idées, elles ont été abondamment publiées, je m’en tiens à l’ouvrage de Mircéa Eliade, « Patanjali et le Yoga » dont deux citations suivent

Page 18
(Pour le Sâmkhya et le Yoga), le monde est réel (il n’est pas illusoire,[ comme il est, par exemple, pour le Vedânta]).

Page 23
Non pas n’importe quelle ignorance, mais seulement l’ignorance de la vraie nature de l’esprit, l’ignorance qui nous fait confondre l’esprit avec l’expérience psycho-mentale, qui nous fait attribuer des « qualités » et des prédicats à ce principe éternel et autonome qu’est l’esprit ; bref, une ignorance d’ordre métaphysique.

Bien évidemment cette expérience psycho-mentale ce sont les sensations dans l’immédiateté et ce fleuve désordonné des pensées dont il était question plus haut, alors que l’esprit c’est le Soi du « connais-toi toi-même ». Ce Soi auquel on accède par la contemplation de son propre mode d’être , on est ici au plus près de Socrates. Ce Soi, dans le Sâmkhya, il est inexprimable, d’une passivité éternelle sans désir mais aussi d’une liberté éternelle . Ce Soi-Esprit de la philosophie du Sâmkhya « connaît » et est dans une relation harmonique préétablie avec l’ « intelligence », forme la plus raffinée de l’activité psycho-mentale. Ainsi, via cette relation harmonique, l’homme possède un registre de connaissance transcendantale que Platon homologuera au régime de la réminiscence et qui classiquement est associé à l’idée de connaissance « innée ». Dans ce courant de pensée Indien du troisième siècle de notre ère, il y en a des centaines d’autres, la connaissance est la voie du salut, plus,… de la délivrance de l’homme, un but qui surpasse et de loin, le but de « vérité », je serai tenté de dire de « véracité » des philosophes Grecques dont les points de départ sont somme toute proches.

Dans le texte suivant l’auteur, Mircéa Eliade, généralise le terme d’ignorance et y renvoie même ceux qui font métier de savoir :
…« On dépasse, en d’autres termes, la condition temporelle et la suffisance obtuse qui est le lot de tout être humain par le simple fait que tout être humain est « ignorant », c'est-à-dire qu’il s’identifie, lui, et identifie le Réel, avec sa propre situation particulière. Car l’ignorance est en premier lieu cette fausse identification du Réel avec ce que chacun d’entre nous paraissons être ou paraissons posséder. Un politicien croit que la seule et vraie réalité est la puissance politique, un millionnaire est convaincu que la richesse seule est réelle, un érudit pense la même chose de ses recherches, de ses livres et de ses laboratoires, et ainsi de suite. La même tendance se retrouve également chez les moins civilisés, chez les « primitifs » et les « sauvages ». Avec cette différence, que chez eux, les mythes sont encore vivants et, par conséquent, les empêchent de s’identifier complètement et continuellement avec la non réalité. La récitation périodique des mythes brise les murs élevés par les illusions de l’existence profane. Le mythe réactualise continuellement le Grand Temps et ce faisant projette l’auditoire sur un plan surhumain et surhistorique qui, entre autres choses, permet à cet auditoire d’approcher une Réalité impossible à atteindre sur le plan de l’existence individuelle profane. »

Peut-être trouve-t-on dans ce texte la raison pour laquelle Socrate et Platon, tout en dénonçant la mythologie, forgent et utilisent le mythe comme instrument de démonstration/illustration philosophique. Plus important nous voyons là la confirmation que seule une forme de transcendance dont les modalités peuvent varier du mythe à l’inspiration artistique ou mathématique voir à une certaine folie peuvent permettre d’échapper à la « stupidité » et pour les plus doués ou les plus persévérants d’accéder à une certaine connaissance.

mardi 18 novembre 2008

Le Surnaturel

Penser le surnaturel Sorbonne 2008/2009
Serge Tribolet Psychiatre des hôpitaux, Docteur en philosophie
(notes et adjonctions de J.L. Dumoulin)


Introduction

Penser le surnaturel, ce n’est pas aller vers l’irrationnel, c’est mener une réflexion fondée sur le réel même si Hegel a dit « ce qui est réel est rationnel et ce qui est rationnel est réel ».
Pascal lui dénonce 2 attitudes extrêmes, exclure la raison et n’admettre que la raison (« il n’y a rien de plus conforme à la raison que ce désaveu de la raison… » ).
Spinoza rejette avec force toute idée concernant l’existence d’esprits, spectres, visions et autres « niaiseries »….Il rejette également l’idéalisme de Socrate et Platon, lui préférant la pensée de Démocrite…
Le surnaturel ne s’inscrit pas dans un domaine particulier mais dans une certaine perspective qui peut s’étendre à tous les domaines. On évoquera ainsi le surnaturel, en médecine (psychiatrie), dans la littérature (la poésie), la linguistique (naissance de l’écriture), les mathématiques, la physique…
Prenons l’exemple de la psychiatrie et plus spécifiquement de l’hystérie. L’hystérie est une manifestation que la science positiviste ne comprend pas, elle qui privilégie le comment au pourquoi. Les particularités de l’hystérie sont les suivantes :
- absence d’organicité dans les symptômes, par exemple perte de la vue sans aucune affection ou lésion
- absence de logique anatomique ou physiologique, par exemple paralysie sans implication du système nerveux.
-les symptômes affectent des organes de relation/ de communication avec les autres
-« la belle indifférence » du « malade » à ses symptômes, « il s’en fiche »
-la complaisance somatique, le « choix » du symptôme est orienté par une fragilité préexistante, par exemple paralysie des jambes survenant après une fracture
-théâtralisme (mise en scène inconsciente), les symptômes cessent dès qu’il n’y a plus de spectateur.
L’hystérie a conduit Freud à la notion d’inconscient.
L’inconscient n’est réductible ni à la biologie, ni à la psychologie ni au social. Il ignore la mort et ne répond à aucune catégorie spatiale. Sa spécificité est autre et demande à ce qu’ une autre porte soit ouverte, celle de la surnature de l’homme dans laquelle se situent la foi, l’art, la folie… .Socrate dont la maïeutique anticipe la psychanalyse distingue dans Phèdre 4 espèces de délires divins qui s’associent à cette surnature de l’homme. Après avoir écarté 2 types de délire d’origine organique dont l’ivresse, il distingue :
le délire prophétique, la divination, relié à Apollon en son sanctuaire de Delphes
le délire initiatique dont le Dieu tutélaire est Dionysos (les ménades…)
le délire artistique avec les Muses
la folie amoureuse sous l’emprise d’Eros

I – Le mythe, les mythes

Apollon, Dionysos, les Muses, Eros….nous renvoient à la mythologie grecque. Qu’est-ce qu’un mythe ?
La philosophie prend constamment ses distances par rapport au mythe et pourtant il existe une grande proximité entre les deux.
Le mot mythe prendra son sens actuel à partir de Platon. Le mythe est le récit d’une histoire transmis de génération en génération dont le contenu repose sur des faits non- vérifiables ou non-avérés. Au sens moderne le mythe est une sorte de fiction à laquelle certains peuvent incliner à croire. Autant le mythe est pour le moderne quelque chose de « faux » autant il est possible de montrer qu’il n’y a rien de plus vrai que leurs mythes pour les populations dites « archaïques » (Mircea Eliade). Platon, pourtant contempteur de la mythologie, va dans ce sens, « les mythes, il faut croire ce qu’ils racontent ».
Le mythe ne se situe pas dans le domaine de la véracité des faits. Cette véracité n’intéresse ni les artistes, ni les philosophes, J.J. Rousseau écrira : « commençons par écarter tous les faits.. ». Alors que la vérité adresse l’infini, la véracité ne trace que des faits limités et contingents.
A côté des « mythes » modernes, les mythes anciens subsistent dans notre vie de tous les jours sous des formes dégénérées et dans des mots que nous utilisons quotidiennement et qui trouvent leur source dans la mythologie gréco-romaine, Il en va ainsi, par exemple, de narcissisme, panique, médusé, océan, psychisme, iris, titanesque, minerve, priapisme, aphrodisiaque, nymphomane, hermétique, échographie, cerbère, martial ….
Le mythe renseigne les hommes sur la nature, phusis. Le mythe atteste que quelque chose existe bel et bien, une chose, un animal, un événement, les saisons… un astre, une constellation, le monde… dont les manifestations sont consistantes et durables. En ce sens le mythe fonde et en même temps explique la nature, l’expérience humaine. Le monde n’est pas illusoire et ses manifestations ne sont pas transitoires. Les mythes parlent du pourquoi en disant le comment .Ce faisant ils pérennisent le monde aux yeux d’hommes « primitifs » éprouvant avec acuité la précarité de leur existence et lui donnent un sens.
Le mythe atteste de l’origine du monde (mythe cosmogonique) ou de l’apparition de la vie, de l’homme et de sa destinée (mythe de création). Il apaise les interrogations, les craintes que l’homme « primitif » nourrit à l’égard de ce qui l’entoure et de son propre sort. En ce sens les philosophes présocratiques continueront son oeuvre. Il s’agit pour eux d’apprendre la réalité, la vérité à travers l’étude et la réflexion sur la nature, pour eux le « savoir est extérieur ».
Socrate, lui, non seulement dira que l’homme connaît à partir de l’intériorité, c’est la priorité au « connais-toi toi-même » mais aussi qu’il faut mettre les mythes de côté , que la philosophie commence quand les oracles se taisent, que l’esprit se réfléchit sur lui-même et (qu’alors)les Dieux se taisent.
Cependant, paradoxalement, Platon dans son « Phèdre » et avec lui Socrate fait un retour vers le présocratisme et exprimera sa pensée sous forme de mythe. Si dans une première partie du texte il énonce un discours très rationnel concluant que l’amour, en tant que passion, est mauvais car c’est un obstacle sur le chemin de la philosophie ; dans la deuxième partie du texte, réalisant qu’il a blasphémé vis-à-vis du Dieu de l’amour il tient un discours élogieux sur Eros, célèbre l’immortalité de l’âme et « dit » le mythe des 2 chevaux ailés, l’un blanc, l’autre noir.
Dans Phèdre Platon célèbre la nature en tant que lieu sacré et nous parle de l’esprit des lieux, la nature a une âme. Le site et le Dieu qui l’habite précède l’édification du temple qui lui sera dédié, de même que l’oracle, en tant que site, est résidence du Dieu. Lorsqu’on se tourne vers les origines, la nature est le texte du message divin, le savoir est alors bien extérieur. Dans Phèdre Socrate effectue un parcours spirituel, remontant, à l’heure sacrée, le cours du ruisseau vers sa source, reprenant le mythe des cigales et écoutant le platane divin renonce à la philosophie et approche de la transe dont il fait l’éloge en tant que don des dieux.

Le mythe apparaît ainsi comme un vestige d’une ancienne connaissance, d’une sagesse antique cryptée. En termes modernes on parlera d’une pensée aliénée par le Dieu et la nature par rapport à une pensée autonome à l’homme lui-même.
Par opposition la philosophie, pour Platon, est une réminiscence, celle d’une âme qui a connu les « intelligibles » dans un autre monde et qui revient sur terre et se rappelle.
Dans la philosophie socratique et le « connais-toi toi-même, l’oracle est intérieur et propose des questions qui sont autant d’énigmes. La plus fondamentales d’entre elles étant celle de la pensée réflexive : « je pense que je pense que je pense que je pense…. ». Dans une telle suite, comme avec deux miroirs qui sont face à face le regard et la pensée se perdent vers un point de convergence aveugle sur lequel… le mythe se tient.
Ainsi, la philosophie prend constamment ses distances par rapport au mythe et pourtant il existe une grande proximité entre les deux.
Cette proximité en engendre d’autres et c’est la raison pour laquelle Platon a écrit « pour nous, c’est Dieu qui doit être la mesure de toutes choses » en opposition à la célèbre assertion de Protagoras ; Saint Augustin lui nous dit «crois et tu comprendras, la foi précède et l’intelligence suit ».
A la fin du « Banquet », au chant du coq, Socrate nous dit « sortons », comme dans « Phèdre » il nous dira « allons marchons ».


II- La divination


Les « Anciens » avaient le même mot pour la divination et la folie (manteïa et mania).
Socrate a déclaré que « c’est sous l’emprise de la folie que les prophétesses de Delphes ont le plus rendu service à la Grèce ».
La divination est omniprésente dans la culture Gréco-romaine. Elle est censée pallier aux insuffisances de l’esprit humain en lui permettant de connaître ce qu’il ne peut connaître par ses propres forces. Elle s’étend non seulement à l’avenir mais aussi et peut-être encore plus au présent et au passé. Il s’agit de connaître la volonté des Dieux.
L’omniprésence de la divination est attestée par la racine d’un nombre considérable de nos propres mots d’origines gréco-latines. On retrouvera des racines dont le sens est lié à la divination dans des mots tels que, par exemple, fortune, sortir, oiseau, bonheur, divin, temple, sinistre, désir, foyer, manie, enthousiasme, obscène……
D’une certaine façon la divination antique s’associe à une démarche de type « scientifique » dans la mesure où Pythagore définit la science comme « la faculté de voir les signes octroyés par les Dieux aux hommes ». Or l’oracle est la réponse donnée par un Dieu à une question. Cette réponse est souvent énigmatique et en tant que signe nécessite une interprétation.
Il faut donc aussi développer une certaine « science » de la divination.
Si les réponses des Dieux sont collectées aux oracles (désignant dans ce sens le lieu où tel Dieu « parle ») par une pythie (de Delphes par exemple) ou une sibylle (d’Erythrée ou de Cumes en Italie…), les Dieux peuvent aussi s’exprimer par d’autres formes de signes,
dans les songes,
par le vol des oiseaux ( ornithomancie),
par des tremblements de terre (pour exprimer leur colère),
par des signes célestes ( éclipse de soleil ou de lune…),
par les éclairs, orages, météorites….
L’oracle peut être rendu par le son du feuillage d’un arbre ou le bruissement d’une source.
Sont également des signes envoyés par les Dieux des sons tels l’éternuement ou le hoquet .

La collecte des signes divins servant à divination peut revêtir encore d’autres modalités, comme l’observation des viscères d’animaux sacrifiés ou à partir d’un passage de livre ouvert au hasard, tels sont les oracles dits de Virgile prononcés en ouvrant un ouvrage de cet Auteur.

La divination suppose un devin. Le devin a un savoir précis. Il distingue les signes et les interprète en signification, présages.. C’est un « technicien » (… par rapport à la pythie) ; il disposera d’un manuel d’interprétation des présages, certains, les chresmologues, diffuseront des recueils de signes et d’oracles.
La divination dans l’antiquité se fonde sur l’idée de l’organisation divine du monde, impliquant une complète harmonie ou symétrie entre les différents éléments du cosmos tels que matière/esprit, ordre cosmique/destinée humaine….Le moteur et la finalité de cette harmonie c’est la beauté qui est étroitement associée au Bien, c’est ce qu’exprime le mot cosmos par lui-même.

mercredi 8 octobre 2008

Multivers,avant le big bang

(Article en cours de rédaction)J.L. Dumoulin octobre 2008

Dans son entretien avec moi( voir articles du 31 août et du 8 octobre) , Bob Heikes décrit les conditions dans lesquelles, pour lui, l'univers apparaît, l’énergie zéro-point,l’énergie qui reste quand le nombre de quanta est zéro. Il semble que cette énergie ne puisse pas être détectée. Il voit la situation à « l’époque de Planck » simplement comme un océan de « zéro-point » particules. L'état de moindre énergie est toujours l'état naturel ou l'état final d'un système. Et le principe d'incertitude d'Heisenberg indique que "rien" ne peut exister .Le vide devient vide quantique et il connaît des fluctuations énergétiques.Ce vide quantique nous évoque des passages de Saint Augustin ( Les Confessions vers 400 AD):
"ce n’est pas non plus une chose qui soit sensible…..en ce (qu’elle) est invisible et sans nulle forme…. que (l’esprit de l’homme) sache qu’on la connaît en l’ignorant, et qu’on l’ignore en la connaissant, parce que tout ce qu’on peut savoir d’elle est plutôt ce qu’elle n’est pas que ce qu’elle est." Intuition de la physique quantique ( début 20ième siècle)...
Saint Augustin ajoute, en s'approchant très près des conceptions actuelles du vide quantique :
"Ce n’était pas toutefois un pur néant, mais c’était une certaine chose informe qui n’avait aucune beauté."
"Alors je commençais à entrevoir que ce passage d’une forme à une autre se faisait par je ne sais quoi d’informe qui n’était pas un pur néant
Certes je dirais s’il était permis, que c’est un néant, qui tout ensemble est et n’est pas : toutefois il fallait qu’elle fût en quelque sorte pour être capable de recevoir ces formes visibles et si agréables."
Pourquoi Saint Augustin nous parle-t-il de "beauté", "d'agréable", parce que la racine de Cosmos signifie beauté, nous la retrouvons dans "cosmétique".
Puis,la réflexion de Saint Augustin intègre l'émergence du temps
"Et c’est dans ce monde que la mutabilité commence à paraître, et que l’on y peut remarquer et compter les temps, parce qu’ils naissent des changements qui arrivent dans les choses, selon que ces formes qui ont eu pour matière cette terre invisible dont j’ai parlé, s’altèrent ou se changent en elles.
…parce que rien n’arrive ni ne se passe où il n’y a ni forme ni ordre : et où ces changements ne se trouvent point, il n’y a ni jours ni intervalle de temps."


Expérimentalement le vide quantique sous l'impulsion d'une énergie extérieure peut transformer ses fluctuations en matière.Au temps de Planck cette énergie est apportée par l'inflation de l'univers qui modifiant les propriétés géométriques genère cette énergie et crée de la matière.Comme le dit Bob, la masse se forme à partir de rien.Son expérience par l'esprit sur les 2 particules infiniment éloignées puis qui se rapprochent est parlante, elle montre comment la conservation de l'énergie implique l'apparition de matière.Plus profondément cette apparition de matière,suggère Bob, ne va pas sans temps/espace.Pour lui c'est la formation d'un trou noir qui "gère" l'ensemble du phénomène lequel implique le postulat de l'existence de quanta d'espace/temps, c'est à dire d'un espace/temps discontinu qui sera partie prenante dans l'expansion de cet univers.Là encore Saint Augustin le pressent et même "invente" le quanta de temps:
"Si donc on peut concevoir quelque temps qui ne puisse être divisé en aucunes parties, quelques petites qu’ elles puissent être, c’est là seulement ce que l’on doit nommer un temps présent : et ce temps présent passe du futur au passé avec une si extrême rapidité, qu’il n’a pas la moindre étendue par le moindre retardement ; car s’il en avait, on le pourrait diviser en passé et en avenir."
"Il est vrai que ce qui est informe et qui peut se dire presque rien, ne peut aussi y (aux révolutions du temps) être sujet."
La conclusion de Bob n'est pas également sans rappeller un texte de la mythologie hindoue, Bob déclare:
"Je crois...qu’en un certain point, une fluctuation peut se produire, laissant un, ou plusieurs, quanta d’espace-temps se développer. Cela évoque tout à fait la désintégration spontanée d'un atome d'U235, il n'y a pas de variation nette de l'énergie entre l'état qui précède et l'état qui suit la désintégration.
Ce sont ces événements associés à un trou noir qui sont à l’origine de la période de l’inflation d’où une expansion énorme et le Big Bang !!!! C’est là la vraie origine de l’univers.
Après avoir consacré tant d'effort à comprendre notre univers, nous nous trouvons mainte-nant dans l'obligation de nous poser la question de savoir s’il n'y a pas d'autres univers. En fait, il n'y a aucune raison logique pour laquelle le même processus ne se serait pas déjà produit maintes et maintes fois.
Et en fait, je crois que cela s'est déjà produit et que ça va continuer à se produire encore. Nous sommes seulement dans l’univers que nous connaissons."
Et voici maintenant ce texte du "Brahmavaivarta Purâna" :
« Mais qui estimera le nombre des Univers, chacun ayant leur Brahma et leur Indra ? Au-delà de la plus lointaine vision, au-delà de tout espace imaginable, les Univers naissent et s’évanouissent indéfiniment. Comme des vaisseaux légers, ces Univers flottent sur l’eau pure et sans fond qui forme le corps de Visnu. De chaque pore de ce corps, un Univers monte un instant et éclate…. »

La vraie origine de l'univers, big bang et multivers

J.L. Dumoulin s’entretient avec Robert Heikes( 2ième partie)


(Robert Heikes est un savant de réputation internationale, élève d’Enrico Fermi, il est docteur en Physique d’une prestigieuse université Américaine et a été, entre autres, Directeur de recherche dans des Observatoires astronomiques de pointe, il vit actuellement dans le sud de la France et est le promoteur de postulats révolutionnaires tel que de celui la quantification de l'espace-temps)


C'est la seconde partie de l'article publié le 31 août 2008 sur ce blog et que vous pouvez consulter dans les messages d'août, "La connaissance scientifique est fondée sur une succession de postulats" (J.L. Dumoulin et Robert Heikes). J' y ajouterai bientôt un commentaire à la lueur de théories homologues telle celle exposée par exemple par Edgar Gunzig.


JLD. Je suppose que ce sont ces postulats qui t’ont conduit à une réflexion approfondie sur
la nature même de l’univers, de ce qu’il contient…éventuellement de ce que nous appelons la matière.

RH. Une réponse oui et stupéfiante mais dont on devra tirer des prévisions de résultats à valider avant qu’elle ne rejoigne la connaissance scientifique. Mais n’allons pas si vite.
Nous savons tous qu’il y a deux théories fondamentales, la Mécanique Quantique et la Relativité Générale et chacune d'elles a passé tous les tests sans relâche au cours des 100 der-nières années. Ces deux théories n’ont jamais été confrontées l'une à l'autre.
Pour y parvenir, j’essaye de caractériser un « domaine » où les 2 théories sont chacune à leur limite d’applicabilité.
Pour faire cela, nous devons prendre en compte les principes fondamentaux qui régissent ces deux disciplines. Ce sont le principe d'incertitude de Heisenberg pour la mécanique quantique et le trou noir pour la relativité générale.
D’abord le principe d’incertitude de Heisenberg. Il s’énonce ainsi :
Δ(énergie) x Δ(temps) ≥ ħ
C'est-à-dire, toute mesure de l'énergie présente une incertitude, Δ, et multipliée par l’incertitude, Δ, de la mesure de temps aura une valeur égale ou supérieure à ħ. Nous ne pouvons tolérer aucune violation de cette relation. C’est un résultat direct de la Mécanique Quantique.
Maintenant, il y a aussi la condition du trou noir pour la Relativité Générale. Elle indique qu'un trou noir doit se former s'il s'avère qu'un corps de rayon R obéit à la relation
R = GM/c^2
Cette formule signifie qu’on ne peut avoir aucune information en dessous d’un rayon R. Rien ne peut sortir d’un trou noir !
Calculons maintenant les valeurs de LPlanck (qui représentent R) et MPlanck dans les conditions limites d’applicabilité des deux théories, nous obtenons
LPlanck = R = (ħG/c^3)^1/2 ≈ 10^-33 cm
MPlanck = (ħc/G)^1/2 ≈ 10^-5 g
Nous constatons qu'avec cette masse et ce rayon, nous avons un trou noir ! (avec Constante gravitationnelle : G ≈ 6 x 10^-8 cgs, Vitesse de la lumière : c ≈ 3 x 10^10 cm/s la Constante de Planck : ħ ≈ 6 x 10^-27 cgs)
Quant au temps de Planck, il vaut :
tPlanck = (ħG/c^5)^1/2 ≈ 10^-44 sec
Autre conclusion stupéfiante, ce trou noir a une durée de vie tPlanck .
JLD. Fascinant mais un jour tu m’as dit qu’au commencement il n’ y avait ni temps ni matière ni espace. Alors, comment l’univers a-t-il pu être formé ? D’où vient la matière, d’où vient la charge électrique, d’où vient le proton ? D’où viennent les électrons et les photons ?
RH. Je propose une équation du type :
Rien = quelque chose − quelque chose
C’est pour moi l’équation fondamentale de l’existence de l’univers. C’est une conséquence de la conservation de l’énergie.
Je vais te montrer que, sur la base de la physique communément acceptée, il est parfaitement possible que quelque chose puisse se créer à partir de rien.
Tout d'abord, et c'est un principe accepté en physique, l'état de moindre énergie est toujours l'état naturel, l'état final d'un système.
Rien ne peut être instable.
Mais à quelles énergies devons-nous nous intéresser ? Nous devons évidemment considé-rer l'énergie de masse d'un corps, qui est nécessairement positive.
Toutefois, une autre énergie est associée à la masse, il s'agit de l'énergie potentielle de gravitation. Je vais montrer que cette énergie est négative.
Considérons deux particules de masse m au repos, séparées par une distance infinie. L'énergie cinétique totale est nulle. Le potentiel énergétique gravitationnel lui aussi est égal à zéro, puisqu'à une distance infinie il n'y a pas d'interaction, autrement dit la force gravitationnelle est nulle. Ainsi l’énergie totale est nulle.
Laissons maintenant les deux particules se rapprocher sous l'effet de la force de gravitation. Elles vont acquérir progressivement de l'énergie cinétique. Mais l’énergie totale doit rester constante, elle doit se conserver et donc rester égale à zéro. Ceci veut dire que, pour pouvoir compenser l'énergie de masse et l'énergie cinétique qui sont positives, l'énergie gravitationnelle doit être négative.
A ce stade, tout ce qui est nécessaire, c'est que l'énergie gravitationnelle négative soit aussi grande que l'énergie cinétique. La masse se forme à partir de rien.
JLD. Cependant la relation d’incertitude d’Heisenberg, ΔE x Δt ≥ ħ, nous indique que « rien » ne peut exister, alors ?
RH. Deux idées à ce sujet. En premier lieu, j’ai parlé tout à l’heure de l’analyse des conditions limites d’applicabilité de la Mécanique Quantique et de la Relativité Géné-rale
Nous savons de la Mécanique Quantique que les variables, comme l’énergie, la quantité de mouvement, etc., doivent être quantifiés. Mais quelle est la quantité principale pour la Relativité Générale ? Oui, c’est l’espace-temps !
L’analyse précédente montre qu’il pourrait y avoir certains « quanta » de temps et d’espace. Et en définitive, cela pourrait nous mener vers la quantification de l'espace et du temps.
Nous pouvons considérer que les quanta d'espace sont des unités de (10^-33x10^-33x10^-33) cm3 et que les quanta de temps sont quelque chose comme 10^-44 secondes. Les dimensions de Planck.
L’espace et le temps ne sont pas continus !!
En second lieu, j’emprunterais un des principes de la Mécanique Quantique, l’énergie zéro-point. C’est l’énergie qui reste quand le nombre de quanta est zéro. On a quelque chose comme
E ≈ (n + ½) x ħ
L’énergie-zéro point peut être caractérisée par n = 0, laissant la zéro-point énergie de 1/2ħ. Il semble que cette énergie ne puisse pas être détectée.
Nous traitons la situation à « l’époque de Planck » simplement comme un océan de « zéro-point » particules.
JLD. Robert, ta conclusion…
RH. Je crois que les quanta d’espace et de temps peuvent apparaître et disparaître continuellement qu’en d’autres termes, au niveau microscopique, ni l’espace ni le temps ne sont continus,
que l’espace (10^-33x10^-33x10^-33) cm3 contenant une mass 10^-5 g est un trou noir. Cela signifie qu'un trou noir se forme et se détruit en une durée de 10^-44 secondes,
qu’en un certain point, une fluctuation peut se produire, laissant un, ou plusieurs, quanta d’espace-temps se développer. Cela évoque tout à fait la désintégration spontanée d'un atome d'U235, il n'y a pas de variation nette de l'énergie entre l'état qui précède et l'état qui suit la désintégration.
Ce sont ces événements associés à un trou noir qui sont à l’origine de la période de l’inflation d’où une expansion énorme et le Big Bang !!!! C’est là la vraie origine de l’univers.
Après avoir consacré tant d'effort à comprendre notre univers, nous nous trouvons maintenant dans l'obligation de nous poser la question de savoir s’il n'y a pas d'autres univers. En fait, il n'y a aucune raison logique pour laquelle le même processus ne se serait pas déjà produit maintes et maintes fois.

Et en fait, je crois que cela s'est déjà produit et que ça va continuer à se produire encore. Nous sommes seulement dans l’univers que nous connaissons.
Et il est évident que si l’on suit cette logique les univers n’auront jamais de fin. Des nouveaux mondes vont continuer à se développer sans cesse.

mardi 7 octobre 2008

De la Grande Ourse à la constellation de la Vierge

Voici la troisième et dernière partie de notre article "Du ciel du Luberon en Provence: Catastérisme. La description des constellations présentée ci-dessus est celle donnée par Eratosthène, le grand savant d'Alexandrie et Directeur de la Bibliothèque de cette ville. Elle peut contredire d'autres versions existantes sur les origines mythologiques des constaellations.



De quelques constellations

La Grande ourse

La Grande Ourse est la Constellation la plus connue de l’hémisphère nord. Quelque soit la saison, la Grande Ourse demeure visible la nuit par ciel dégagé. Jamais elle ne se couche ni se lève à l’horizon.
La Grande Ourse permet de localiser facilement l’Etoile Polaire qui est située sur l’axe du monde ou peu s’en faut et indique le nord.
Elle institue la stabilité du monde acquise par la fixité du pôle et de l’axe du monde autour desquels elle tourne.

La Grande Ourse est le mémorial de l’histoire de la nymphe Callisto.
Callisto est une nymphe dévolue à la Déesse Artémis, fille de Zeus. Artémis est le modèle de la nymphe Callisto, chaste et chasseresse. Aussi belle l’une que l’autre, on peut les confondre, Callisto est le double ou l’image d’Artémis.
Callisto est violée par Zeus qui pour arriver à ses fins, prend la forme d’Apollon- son fils- ou dit-on encore, la forme…. d’Artémis…sa fille. Déçue et dépitée Artémis transforme Callisto en Ourse à moins que ce ne soit Héra, l’épouse de Zeus, ou… Zeus lui-même qui s’en soit chargé. Toutes les versions existent.
Callisto met au monde un fils de son union avec Zeus, Arcas qui lui sera soustrait.
En passe d’être tuée fortuitement par son fils Arcas, l’Ourse Callisto se voit opportunément catastérisée par Zeus pris de compassion et mise au ciel comme « la Grande Ourse ».
Héra, épouse de Zeus, toujours jalouse, interdit à Poséidon de recevoir la désormais Grande Ourse dans son grand Océan figure de l’horizon. Ceci veut dire que la Constellation ne connaîtra ni coucher ni lever. Elle ne rejoindra jamais l’immense Océan par définition symbole de la procréation mais aussi du lieu où tout vient mourir. La nymphe… (ou la déesse dont elle est l’image) renoue ainsi avec son destin initial, celui de la virginité primordiale, celui d’avant la séparation cosmique du ciel et de la terre, celui d’avant la différentiation des sexes et celui de l’immortalité. La Grande Ourse se situe ainsi dans le Grand temps, celui de la permanence. Inviolable et permanente la Grande Ourse assure d’une manière définitive la stabilité du monde.

Ainsi du désordre terrestre où s’épanouissent les errements des identités, les passions des moi, les avatars des situations naît un ordre cosmique sacré qui rend une vie humaine ordonnée et sensée envisageable.


La Petite Ourse et la Constellation du Bouvier

Montrant à quel point le mythe associé à Callisto revêt une importance capitale, Artémis met la nymphe une seconde fois au ciel en la forme de la Petite Ourse. Cette catastérisation intervient non pas pour prévenir le meurtre de la mère, Callisto, par le fils, Arcas mais l’union incestueuse de la mère et du fils.

Arcas dont le destin est tragique, puisque d’abord dépecé et servi à table à son père Zeus qui va le reconstituer, il manque plus tard de tuer ou de s’unir à sa mère. Zeus le soustrait à ces deux derniers avatars du destin en le catastérisant sous la forme de la constellation du Bouvier. Arcturus étoile de cette constellation rappelle son nom. Le Bouvier est le gardien du troupeau des étoiles des Ourses, Petite et Grande.

Cassiopée, Céphée, Andromède et Persée

Cassiopée reine d’Ethiopie défie les dieux en prétendant qu’elle et sa fille, Andromède, sont plus belles que les filles du Dieu Nérée, « nymphes pures aux visages de calice » parmi lesquelles la célèbre Amphitrite épouse de Poséidon. En représailles ce dernier envoie un monstre ravager l’Ethiopie. Consultant un oracle d’Ammon, Cephée, époux de Cassiopée, roi d’Ethiopie , apprend que son pays sera débarrassé du monstre s’il sacrifie sa fille au Dieu.

C’est ainsi qu’Andromède se retrouve attachée à un rocher surplombant la mer, offerte au monstre par ses parents. Andromède s’attend à périr lorsque Persée, de retour du pays des Hespérides où il a tranché la Tête de Méduse, anéantit le monstre, la délivre et l’épouse. A sa mort Andromède est placée au ciel en compagnie de Cassiopée, Céphée et Persée. Elle y figure attachée à son rocher.
Quant à Persée, fils de Zeus, son grand-père maternel Acrisios tente de le faire disparaître . Un oracle lui a prédit que son petit-fils le tuerait. En vain, après différents exploits dont la pétrification du Géant Atlas en montagne, Persée recherche Acrisios .Il le tue involontairement quand participant au lancer du disque lors de jeux, le disque lui échappe et tue Acrisios, spectateur.
Athéna catastérise Persée avec dans une main la tête de méduse et dans l’autre la serpe d’acier qu’il reçut d’Héphaïstos pour accomplir cet exploit.


Orion , le Scorpion, les Pléiades, le Petit Chien

Orion, doué d’une grande beauté et du don de marcher sur les flots, aura les yeux crevés pour avoir essayé de violer la fille du roi de Chios. Conduit par Cédalion, domestique d’Héphaïstos, il gagne l’Orient et recouvre la vue en s’exposant au soleil, suivant en cela la prescription d’un oracle. Grand chasseur, il vit ensuite au côté d’Artémis, avec le projet d’exterminer toutes les bêtes de la terre. Furieuse Gaia fait surgir un Scorpion gigantesque qui tue Orion en le piquant. Dans d’autres versions, il a essayé de violer Artémis et celle-ci l’a tué de la piqûre du dard du Scorpion. Comme Orion qui marche sur les flots, la constellation d’Orion reste basse dans le ciel, comme rasant la mer. Zeus place Orion parmi les constellations à la demande d’Artémis qui en est très éprise. Orion figure au ciel sous son aspect de chasseur avec son épée et son arc. Il y incarne la force et la puissance de la vie.
Au moment où dans le ciel le Scorpion se lève à l’est, Orion disparaît à l’ouest momentanément vaincu par le terrible envoyé de Gaia ou d’Artémis.
Les Pléiades représentent les sept filles d’Atlas. Zeus les métamorphose en colombes pour les soustraire à Orion, le violeur impénitent, puis il les place au ciel où de fait la constellation d’Orion semble les poursuivre. Apparaissant en mai et disparaissant en novembre elles marquaient la période favorable à la navigation chez les anciens Grecs.
La constellation du chien rappelle le chien d’Orion qui l’accompagne dans tous les moments difficiles de son existence et le protége contre les bêtes sauvages. Elle contient l’étoile la plus brillante du ciel boréal, Sirius.



La Lyre

Fabriquée à l’origine par Hermès avec une carapace de tortue , la peau et les boyaux des bœufs d’Appollon, elle a Sept cordes, le même nombre que celui des Pléiades. Appollon qui l’a reçue d’Hermès l’offre à Orphée qui lui ajoute 2 cordes afin de commémorer le nombre des Muses. Lui-même est fils de Calliope, Muse de la poésie épique.
Orphée tire de cet instrument une musique si émouvante et harmonieuse que les fleuves cessent de couler, les rochers le suivent, les bêtes féroces deviennent dociles. Sa voix est si sensible et si douce qu’il peut par son chant calmer les flots les plus agités.
Il essaye de ramener des Enfers sa femme Eurydice piquée à mort par un serpent mais échoue in extremis pour l’avoir regardée avant de rejoindre le monde des vivants.
Suite à son voyage aux enfers il rentre en rébellion contre Dionysos et devient un fervent adorateur d’Hélios, le soleil. Dionysos se venge, Orphée est mis en pièces par les femmes de son pays dont il dédaigne l’amour par fidélité à Eurydice .Les Muses demandent à Zeus de mettre sa Lyre au ciel afin de commémorer son souvenir.


Le Cygne

Zeus s’étant épris de Léda, épouse de Tyndare, il use d’une ruse pour parvenir à ses fins. Un soir que la jeune femme se baigne dans un étang, il se métamorphose en un merveilleux cygne d’une blancheur éclatante et approche la jeune femme qui se laisse abuser.
Le soir même elle s’unit à son mari. Il s’en suit la naissance de Pollux et Hélène, enfants de Zeus et de Castor et Clytemnestre, enfants de Tyndare.
Le cygne, lui, s’est élevé droit jusqu’au ciel dans un vol glorieux ailes déployés et Zeus en plaça l’image parmi les constellations.

L’Aigle

L’aigle est l’oiseau emblématique de Zeus. L’aigle est le seul oiseau à voler droit face au soleil, il a la suprématie sur tous les animaux. L’aigle accompagna Zeus lors de son combat contre les Titans.
Zeus se change en aigle pour enlever jusqu’aux cieux le jeune Ganymède dont il est amoureux du fait de sa très grande beauté. Ayant acquis l’immortalité, Ganymède est devenu l’échanson des Dieux (le Verseau) et leur sert l’ambroisie.
Pour toutes ces raisons l’aigle a eu l’honneur de figurer au ciel.

Les Gémeaux, Castor et Pollux

Ils sont demi-frères car l’un est fils de Zeus et l’autre de Tyndare. Leur affection fraternelle est telle qu’ils ne se séparent jamais de toute leur vie. Ils participent ensemble à toutes sortes d’action héroïque, délivrent Hélène, leur sœur, des mains de Thésée, prennent part à la chasse au sanglier de Calydon, accompagnent les Argonautes dans leur expédition... Ils seraient à l’origine des « feux Saint-Elme », ces feux qui brillent autour des navires par temps d’orage, ils ont ainsi marqué leur soutient à Lysandre lors d’une bataille navale.
Au cours d’un combat Castor est tué et Pollux, immortel, seulement blessé et emporté à cette occasion dans les cieux par son père Zeus .Pollux ne supportant pas la séparation d’avec Castor demande à Zeus de partager son immortalité avec lui un jour sur deux.
Zeus voulant faire mémoire de leur magnifique entente les plaçe tous les deux cote à cote au ciel parmi les constellations.

Nombreuses sont encore les constellations du ciel et leurs légendes merveilleuses. Elles peuvent s’enchainer les unes aux autres sans fin en se ramifiant dans le labyrinthe infini des dieux et des héros et de leur descendance.
Puisqu’il faut une fin terminons avec la constellation de la Vierge qui va en quelque sorte nous faire revenir aux origines.


La Vierge, Diké dans la mythologie, est fille de Zeus. Immortelle, elle a choisie de vivre sur terre au milieu des humains. Mais lorsque les hommes oublient la justice, s’adonnent à la tromperie, à la fraude, elle met un terme à son existence avec les hommes et se retire dans les montagnes.
Mais les hommes deviennent violents et le bruit de leurs luttes intestines, de leur guerre parvient jusqu’à elle. La Vierge décide alors de monter au ciel étoilé d’où Elle rappelle aux hommes qu’un jour elle fut sur terre.

Jean-Louis Dumoulin (2007)

dimanche 28 septembre 2008

Du ciel du Luberon en Provence : Catastérisme, partie 2

Dans le Luberon les envies de beau et de vrai vous assaillent, partout une communion vous attend avec le ciel,soleil bleu,la nuit, noir d'étoiles, avec ses routes et chemins, à pied, à vélo. Aujourd'hui Les Correspondances à Manosque, les lettres, oui mais les rencontres, l'âme des hommes,une vie qui surgit.

Alors donc la suite de notre article sur les constellations, après avoir approché ce qu'est un mythe, voyons rapidement ce qu'est la mythologie Grecque ou du moins ce qui est utile d'en savoir pour notre propos.


(J.L. Dumoulin, 2007)

La mythologie Grecque

Les Sources

Bien qu’il ait quelques prédécesseurs Hésiode traite parmi les premiers de la mythologie en tant que telle. Hésiode, poète du huitième siècle avant Jésus Christ, a écrit « Théogonie » (De la Naissance des Dieux).
Sur le plan de l’astronomie et plus spécifiquement de la définition et de la dénomination des Constellations, trois noms en particulier sont à retenir,
Eudoxe de Cnide, il rédige au IVème siècle avant J.C. « Phénomènes », un ouvrage dans lequel il décrit les Constellations.
Aratos de Soles, au IVième avant J.C. avec son livre également appelé « Phénomènes », poème didactique indiquant les positions relatives des étoiles et des Constellations .
Enfin et surtout Eratosthène de Cyrène, IIIième siècle avant J.C., savant éclectique et rédacteur des « Catastérismes », description du ciel nocturne mêlant astronomie et mythologie. Directeur de la Grande Bibliothèque d’Alexandrie,
Eratosthène sera le premier à calculer la circonférence de la terre avec une précision surprenante.

Les Commencements suivant la mythologie Grecque d’Hésiode

…Au début était Chaos. Chaos est un principe, il signifie vide, sans limite et informe, sans commencement, ténébreux. Vide ne signifie pas sans potentialité ni virtualité… .
Puis apparut Gaia (ou Gaea) qui personnifie la Terre en devenir, elle émerge de Chaos. Peut-être dans notre langage moderne une de ses représentations serait-elle la matière mais une matière là encore dotée d’une certaine virtualité.

Alors vient Eros. Energie attractive qui engage les êtres, les plantes, les minéraux, et les choses à se joindre et à créer.
A eux trois ils constituent une trinité de forces surnaturelles, déités primitives aux contours mal définis.

Vide, matière, énergie, les acteurs sont en place, la création peut commencer.
Erebe et la Nuit sont issus de Chaos tout seul ainsi qu’Ouranos l’est de Gaia. D’autres viennent de l’union de frères et sœurs, phénomène qui s’avèrera fréquent dans la mythologie Grecque, ou de l’union entre mère et fils, par exemple Gaia et Ouranos.

Gaia avec Ouranos aurons la descendance suivante :
• Les 12 Titans pour certains personnifications d’éléments de la création en même temps que fils ou filles de Gaia et Ouranos dont :
• Cronos, père de Zeus, d’Héra, de Poséidon, …
• Japet, père de Prométhée, …
• Océanos, élément originel, personnification divine de l’eau, Il entoure la Terre tel un immense fleuve où tout se crée et où tout vient mourir.
• …
• Les 4 Cyclopes, géants avec un seul œil au milieu du Front
• Les 3 monstres aux cent bras et cinquante têtes appelés Hécatonchires.



Ouranos, le ciel étoilé, rejette violemment la progéniture de Gaia il craint qu’elle ne le sépare de son épouse-mère/la terre. Cette progéniture symbolise tout autant les forces aveugles de la nature, par exemple les cyclopes, génies de la foudre, qu’une nouvelle génération de Divinités qui tend à supplanter Ouranos.
Cronos, un des Titans va précipiter la séparation du ciel-Ouranos- et de la terre-Gaia- en mutilant atrocement Ouranos de ses parties génitales, première violence entre père et fils et entre frères. Mais violence tout à fait essentielle qui va dégager un espace vital pour la progéniture de Gaia, en particulier pour les Titans images encore lointaines des hommes. Elle va aussi permettre que la création se poursuive. Toutes sortes de forces-divinités, pour la plupart filles de Nuit, apparaissent qui seront les vecteurs des comportements et de la destinée des humains, la Fraude, la Discorde, la Vieillesse, la Peine, la Faim, le Meurtre, le Mensonge…comme s’engouffrant dans la séparation béante du ciel et de la terre.
Car déjà l’enchainement fatal des destins s’installe. Cronos craint de subir de sa propre progéniture ce qu’il a fait subir à son père. Pour la faire disparaître il avale tous les enfants qu’il a de Rhéa, sa sœur. Grace à un subterfuge Zeus échappera au sort qui lui est ainsi promis.

Effectivement, Zeus, Dieu de la troisième génération chasse du ciel Cronos, son père et le relègue enchainé aux derniers fondements de l’Univers, un châtiment somme toute déjà plus humain que celui subit par son « Grand-père », Ouranos.
Avec Zeus, la génération des Dieux Olympiens prend le pouvoir et met fin à l’ère des divinités primitives et à l’indifférenciation du ciel et de la terre. Cependant la majorité des Titans ne l’entend pas de cette oreille et craignant de perdre ses privilèges s’opposent à Zeus en une guerre qui dure 10 ans. Un véritable enfer s’ensuit, Zeus récupère les forces du tonnerre et de la foudre à son profit, l’incendie gagne jusqu’à Chaos ! Finalement vaincus avec l’aide des Cyclopes et des Hécatonchires, les Titans sont précipités au fond des abîmes « aussi loin de la surface de la terre que la terre l’est du ciel ».

Les Titans rebelles vaincus, Zeus doit alors affronter la révolte des Géants à jambes de serpent, fils de la dernière heure de Cronos. Un combat gigantesque se déroule autour de l’Olympe. Il s’agit pour ces forces obscures de reconquérir les Cieux. Aidé de ses enfants, Apollon, Héphaïstos, Arès, Athéna, Dionysos, d’Héra (son épouse officielle) et de Poséidon (fils de Cronos) Zeus résiste mais ne vaincra, paradoxalement, qu’avec l’aide d’un Humain, Héraclès
Les épreuves de Zeus ne s’arrêtent pas là. Un terrible monstre, Typhon, issu de Gaia, l’attaque, ultime tentative de la force sauvage représentation du mal pour combler à son profit
la séparation du Ciel et de la Terre. Tous les Dieux s’enfuient et Typhon capture Zeus qui ne doit son salut qu’à Hermès qui le délivre. Zeus parvient à faire fuir Typhon et à l’écraser sous l’Etna.
Zeus peut enfin instituer son ordre, un temps nouveau va advenir, celui des hommes séparés du ciel.
L’homme et la mythologie Grecque

En filigrane jusqu’à cet instant, l’homme commence à instiller l’histoire. Esquissé par les Titans, initié par Prométhée à l’aide d’eau et d’argile, l’homme ne prendra son essor qu’après le déluge. Auparavant il a connu l’âge d’or, sous Cronos, très proche des Dieux et donc du ciel, sa vie est une félicité complète. Puis à l’âge d’argent, l’homme devient faible et inepte, sa vie est brève, vide de sens. L’âge d’airain est celui d’un homme dur, impitoyable qui n’a de cesse de tuer son semblable. Quand à l’âge de fer, il marque l’aboutissement de la déchéance de l’homme avec le triomphe de la discorde, de l’injustice, de la fraude, du mensonge, du crime, de la misère. La dégradation de la condition humaine provient des conditions du partage résultant de la séparation du ciel et de la terre, des Dieux et des hommes. Les hommes ont voulu oublier les Dieux, prendre la meilleure part. Zeus s’est vengé des hommes, en leur enlevant le feu, puis en leur envoyant Pandore et son assortiment de maux en boîte, tous créés par Nuit, fille de Chaos .Enfin Zeus répand le déluge sensé anéantir l’humanité.

Inlassablement Prométhée, fils de Japet, par ses ruses soutient les hommes. Prévenant Deucalion et Pyrrha des intentions de Zeus, les deux derniers représentants de la race humaine survivent au déluge. Ils offrent un sacrifice à Zeus et repeuplent la terre en exécutant un oracle obtenu à Delphes. Se voilant le front, ils marchent dans la plaine jetant par-dessus leurs épaules des pierres arrachées à la terre. Celles lancées par Deucalion deviennent des hommes, celles lancées par Pyrrha deviennent des femmes.

Hommes et femmes naissent désormais de la terre, la séparation terre ciel est totalement consommée. Zeus déclare aux autres Dieux « non, quels que soient vos efforts, vous n’entrainerez pas du ciel sur la terre Zeus, la sagesse suprême », c’est du moins ce qu’Homère lui fait dire. Et Zeus délègue à des divinités secondaires, Illithie et Asclépios, le suivi des soucis des hommes. Illithie est préposée aux accouchements, fille d’Héra, certains disent qu’elle en est un double.
Asclépios, dieu de la Santé, apparaît en songe aux malades qui le consultent en son temple et leur prodigue des conseils. Issu de la lumière ou du feu il a la réputation de rendre aux malades la chaleur perdue.

Néanmoins Zeus s’adresse indirectement mais magistralement aux hommes par son ciel étoilé et les mythes éternels qu’il y inscrit. Les catastérismes rappellent aux hommes le temps merveilleux où ciel et terre communiquaient. Les catastérismes sont une réminiscence de l’âge d’or, Zeus (le plus souvent) fait monter au ciel, dans une sorte d’ascension grandiose, un mortel, des animaux ou des choses de la terre.
Ces catastérismes montrent qu’il est possible de dépasser la terrible rupture cosmologique intervenue à la suite de la chute de l’homme. Les constellations constituent ainsi les différents chapitres du plus beau des livres jamais écrits. L’encre animée des étoiles inscrit soir après soir les légendes exemplaires des héros et des choses. Au ciel le Héros, l’Animal ou les Choses catastérisés rejouent l’épisode qui leur a valu de devenir un modèle pour les hommes. Le ciel est ainsi non seulement un livre mais aussi un grand théâtre aux décors cosmiques. Chaque constellation y joue son rôle.
Et voici quelques aperçus de cette super-production.

De quelques constellations(la suite dans le prochain article)

mardi 23 septembre 2008

Du ciel du Luberon en Provence : Catastérisme, partie 1

Catastérisme, histoire mythique des constellations
J.L Dumoulin-2007

A Ansouis, en Luberon, le ciel est encore pur et sa voûte nocturne y est souvent sidérante, ceci donne le goût de découvrir les constellations et leurs noms.

Pas loin de 6000 étoiles sont visibles à l’œil nu, approximativement 3000 à partir de chacun des hémisphères.
Il paraît tout à fait impossible de se repérer dans une telle quantité d’astres. D’autant plus que la rotation de la terre sur elle-même et autour du soleil modifie l’emplacement apparent des étoiles (à l’exception de l’étoile Polaire). La position des étoiles les unes par rapport aux autres, par contre, ne change pas.
Ceci a conduit à l’invention capitale des Constellations.
Mais qu’est-ce qu’une constellation ?
C’est la réunion d’un certain nombre d’étoiles brillantes formant une figure reconnaissable dans le ciel nocturne.
En 1930 l’Union Astronomique Internationale a publié « La Délimitation Scientifique des Constellations ». Si pour le spécialiste cet ouvrage apporte des précisions essentielles, l’amateur se réjouira d’y retrouver des noms familiers, du moins en ce qui concerne l’hémisphère nord. Citons en quelques uns : constellation de la Grande Ourse, de la Petite Ourse,… constellation d’Andromède, d’Orion, de la Lyre, du Cygne, de l’Aigle, des Gémeaux, de la Vierge… .
Dans le ciel ces Constellations comme les étoiles ont des positions invariables les unes par rapport aux autres. A partir d’un lieu déterminé d’observation, certaines ne sont jamais visibles. D’autres sont observables quelque soit la période de l’année et l’heure de la nuit.
D’autres enfin ont un lever et un coucher avec des horaires variables suivant la saison.
Sur les 88 Constellations répertoriées, 45 peuvent être observées depuis la France.
En ce qui concerne l’hémisphère nord la presque-totalité des constellations a été inventée et baptisée par les Grecs de l’Antiquité.
La plupart de ces Constellations est associée à un mythe. Ce mythe comporte généralement une catastérisation c'est-à-dire le fait qu’un Dieu « place au ciel un être vivant, un objet, voire un fleuve ou un pays sous la forme d’un groupement d’étoiles ». Ce groupement d’étoiles est une constellation ou catastérisme..
Mais qu’entend-t-on par mythe ? Et que représente une catastérisation dans la mythologie Grecque ?


La notion de mythe

Avant d’aborder la mythologie grecque et pour disposer d’outils d’interprétation pouvant en rendre le sens, il est utile de se pencher sur la notion même de mythe.
La mythologie Grecque n’est qu’une des mythologies connues. Il existe aussi une mythologie Egyptienne, Babylonienne, Inuite, Yakoute, Huron ,Navajo,Aztèque, Maya, Celte, Viking et encore beaucoup d’autres…Toutes ces mythologies présentent des points communs qui peuvent aider à cerner en quoi consiste un mythe.
Le mythe est une histoire tenue pour vraie qui s’est passée au tout début des temps. En la racontant on rejoint magiquement le temps de la création.
La perfection se trouve aux origines, d’où l’importance donnée à la remémoration des événements mythiques. Pour les Dieux le vrai péché des hommes, c’est l’oubli des premiers temps. Celui qui sait, c’est celui qui se rappelle les Commencements. Les mythes sont faits pour être retenus et redits.
Le mythe atteste que quelque chose existe bel et bien, une chose, un animal, un événement, les saisons… un astre, une constellation, le monde… dont les manifestations sont consistantes et durables. En ce sens le mythe fonde et en même temps explique. Le monde n’est pas illusoire et ses manifestations ne sont pas transitoires. Les mythes parlent du pourquoi en disant le comment .Ce faisant ils pérennisent le monde aux yeux d’hommes éprouvant avec acuité la précarité de leur existence et lui donne un sens.
Dans le mythe il y a donc dévoilement du mystère de ce qui est.
Les mythes expliquent comment l’homme par sa faute a perdu ses conditions de vie primitives paradisiaques et son immortalité. Ce sentiment d’une faute impardonnable ou, tout du moins d’une grave légèreté de l’homme à l’égard de son immortalité imprime à toute sa vie son côté dramatique. Il trouble sa conscience en nourrissant ses angoisses. Pour retrouver la condition paradisiaque primitive, l’homme devra surmonter les épreuves dressées sur sa route. Chacune le purifiera.
Pour les anciens peuples, le ciel est longtemps resté une réalité accessible à l’homme. Ce qui s’y passe, ce qui s’y crée, ce qui y meurt fait partie de l’histoire des dieux et de la sienne propre.
Au temps paradisiaque, les dieux descendent sur la terre et se mêlent aux humains, de leur côté les hommes peuvent monter au Ciel en escaladant une montagne, un arbre…une liane…une échelle ou portés par des oiseaux ; les hommes sont immortels, libres, spontanés, amis des animaux…
L’apparition et/ ou la chute de l’homme s’accompagne d’une rupture cosmologique qui explique pourquoi le ciel s’est éloigné de la terre. Ceci implique que le mythe indique comment il se fait que le ciel ne tombe pas sur la tête des hommes.

Dans les mythes le sacrifice reste l’acte essentiel par lequel se forgent et s’échangent les forces de l’univers, il est un acte créateur sans lequel rien ne pourrait exister.
Le mythe montre des comportements exemplaires fondés par les Dieux ou les Héros civilisateurs qui sont des modèles pour les humains. Le mythe existe pour que ces modèles ne soient pas oubliés.
L’homme « ancien» n’a pas vraiment le sens du divin, ignorant des lois de la nature, il attribue tous les phénomènes, aussi bien normaux qu’exceptionnels, à des forces surnaturelles
des Esprits…qu’il convient de se concilier.
Les mythes sont souvent des « retranscriptions » qui recèlent la mémoire lointaine d’un ancien rituel, d’un esprit primitif de la nature, d’un animal totem, plus tardivement d’un fait historique important, d’une guerre, d’une légende magnifiant l’origine d’une ville ou d’une famille…
Dans le cas de la mythologie Grecque, les poètes, Homère, Epiménide…, les dramaturges, Eschyle, Sophocle… et les astronomes se sont nourris de ces « retranscriptions » et ont créé un ensemble de mythes élaborés.
La mythologie Grecque abonde en métamorphoses. A travers les métamorphoses il y a révélation de ressemblances qui établissent une parenté entre tous les éléments de l’univers et de la possibilité de les transformer, ou qu’ils se transforment, les uns dans les autres.
Ceci s’applique aussi au moi de l’individu et à son identité qui sont multiples et donc incertains d’où l’abondance de noms pour le même personnage mythique.






La mythologie Grecque...(sera publié dans le prochain message)

jeudi 18 septembre 2008

Galilée, le géocentrisme, l'héliocentrisme, l'Eglise et la Bible

J'ai recu le message suivant de Joël Col :

Condamnation de Galilée.

La grande question qui se posait à l’époque de Galilée était : “Quel astre tourne autour de l’autre ? Le soleil autour de la terre ou la terre autour du soleil” ?
En affirmant la rotation de la terre autour du soleil, Galilée se trouvait en contradiction avec les scientifiques, les philosophes, l’Église et la Bible qui, tous, soutenaient la thèse contraire.
Or, dans mon étude “Entre Galilée et l’Eglise : la Bible”, je démontre que Galilée était en accord avec les Textes originaux hébreux et grecs, mais en désaccord avec leurs traductions. En d’autres termes, si les versions de la Bible avaient été fidèles aux Textes originaux, Galilée n’aurait pas été condamné pour avoir “tenu et cru une doctrine fausse et contraire aux saintes Écritures”.
Par cette étude, j’œuvre pour obtenir la réhabilitation officielle de Galilée et la mise en conformité des traductions de la Bible avec leurs Textes originaux qui, en aucun cas, ne peuvent être tenus responsables de la condamnation du savant.

Pour plus d’informations consulter :
http://monsite.orange.fr/erreur.verite
http://monsite.orange.fr/autoedition.meguila

Voici quelle a été ma réponse

Cher Monsieur Col,

Merci de votre message, je vais lire votre ouvrage avec grand intérêt, hélas, bien que résidant habituellement dans le Luberon je ne pourrai pas assister à votre conférence à Marseille ou Aix. Peut-être la ferez-vous à Paris où je resterai les 5 prochains mois, Sorbonne oblige.

Votre démarche m'inspire quelques réflexions que je vous livre telles quelles :

Qu'est-ce qui pouvait conduire l'Eglise Catholique du 17ième siècle à défendre le géocentrisme plutôt que l'héliocentrisme ?
Peut-être faut-il rappeler que Copernic aussi bien que Galilée ont été encouragés dans leurs recherches par certains princes de l'Eglise. L'ouvrage de Copernic a pu être publié parce que contraint ou forcé celui-ci a présenté l'héliocentrisme comme une hypothèse. Lui-même Copernic craignait que cette "nouvelle théorie" sème la discorde. C'est que nous sommes en pleine contestation de l'Eglise par la Réforme. Au delà de la science, les papes pensent à consolider l'édifice et non à ouvrir une nouvelle brèche ou ce qui pourrait apparaître comme telle. Souvenons-nous que la Réforme prône un retour stricte aux textes bibliques (même mal traduits !)
Après tout, les fidèles sont naturellement, spontanément géocentristes, c'est l'expérience, la perception commune, le soleil tourne autour de la terre, la terre est immobile. N'allons pas ouvrir un nouveau front de perturbation qui pourrait servir la Réforme.
N'oublions pas non plus que Galilée n'avait ni la retenue ni la discrétion de Copernic ou, plus tard, de Newton. Il voulait promouvoir l'héliocentrisme haut et fort et pensait que c'était l'intérêt de l'Eglise.

Par delà la situation tactique de l'Eglise devant la Réforme, il y a le fait que l'Eglise a sans doute hésité à faire descendre l'Homme du piedestal que constituait le géocentrisme :
la terre au centre de l'univers et l'Homme dessus, étage ultime, couronnement de la Création. Rien de tel pour ancrer la vision d'un Dieu personnel et d'un Homme créé à l'image de Dieu, rien de tel pour donner confiance et vigueur à un Homme encore confronté aux rigueurs et aléas d'une nature qu'il était encore assez loin de maîtriser.
Peut-être faut-il aussi y voir une tentative pour sauvegarder l'image d'une symétrie entre le tryptique hiérarchique Dieu- la terre- l'univers et le tryptique tout aussi hiérarchique Dieu-l'église-les fidèles.
Par une sorte d'ironie du sort, du moins à l'égard des ultra positivistes, l'héliocentrisme puis le "galactisme" assorti de son "big bang" ont fini par faire ressurgir l'idée de création et surtout le possible principe anthropique lequel remet l'Homme au centre du jeu, en tant que finalité de la création !

Je ne peux, cher Joël Col, qu'acquiescer à votre démarche de vérité et essayer de la faire partager.

Cordialement

Jean-Louis Dumoulin
Ansouis le 18/09/08

mercredi 17 septembre 2008

Au sujet de la connaissance scientifique

Réflexions sur la théorie des postulats de Robert Heickes par J.L. Dumoulin

Nous avons eu avec Robert Heikes un échange approfondi dont une partie a été publié sur ce blog le 31 août dernier.
Les présentes réflexions s’appliquent à cet entretien.



Robert nous dit que le postulat d'Euclide, celui sur les parallèles à une droite par un point serait en quelque sorte le premier postulat… pourquoi pas ?

Mais est-ce que c'était un « postulat » pour Euclide lui-même, au sens moderne du terme, au sens que lui donne Robert ?
N'est-il pas devenu un postulat qu'après coup, particulièrement lorsque l'idée de la géométrie non Euclidienne est apparue ?
Qu'est-ce que c'était « avant », pour son inventeur et pour ceux, nombreux, qui ont appris cet axiome ?

En fait le « postulat » d'Euclide » est retenu par Robert comme fondant une géométrie de l'espace physique sensible, il décrit « la physique », l'espace dans la nature terrestre.
Y avait il un « postulat » préexistant à celui d'Euclide puisque Robert nous dit que les postulats sont très souvent la généralisation de postulats antérieurs ?

Et s’il y avait « nécessairement » un ou des postulats préalables à celui d'Euclide, quels seraient-ils ?
Est-ce que ça serait :
 L'espace est une réalité générale qui partout a les mêmes propriétés, à Alexandrie, à Athènes mais aussi en Macédoine et même chez les barbares ?
Ou encore
 Les parties d'espace peuvent être définies par des lignes, ces lignes forment des figures, ces lignes entre elles et ces figures ont certaines propriétés que l'on peut saisir en esprit par le raisonnement ?
Ou encore
 Il y a moyen de présenter et énoncer les propriétés des figures d'une façon sensible et compréhensible ?

Et en remontant encore plus loin, pourrait-on trouver des postulats « ancêtres » de ces 3 dernières propositions de « postulats pré-Euclidiens » fictives ?
Quels seraient-ils?
Je ne vois que des mythes cosmogoniques et de création qui puissent jouer ce rôle du fait même qu'ils attestent bien qu'une réalité extérieure existe et qu'elle a une consistance pérenne. Le monde n’est pas un rêve. Le monde a été créé au titre d’événements dont la tournure a un sens. L’homme a son propre mode d’être au monde qui marque son appartenance à celui-ci mais l’en distingue également.

Ainsi cette généalogie de postulats qui raconte la science pourrait remonter aux mythes des temps reculés de l’humanité…

Robert paraît suggérer que les postulats arrivent naturellement …. L’idée pourrait alors venir que la science soit donc une sorte de machine :
On produit des postulats en très grande quantité, on regarde quelles implications ils peuvent avoir, on vérifie la réalité de ces implications et on qualifie les postulats dont les « prévisions » se » révèlent exactes. Cette version de la génération de la science prête instantanément à rire. Rien de tel ne correspond à la réalité ou au vécu du cheminement de la science. D’une part comme cela a été noté à maintes reprises par différents auteurs la découverte scientifique ne peut être détachée de son cheminement historique:
« Le deuxième principe qui devrait guider une épistémologie défendable (…..), c’est qu’elle n’est jamais séparable de l’Histoire des sciences » (Hervé Barreau- L’Epistémologie- PUF)
ou comme le souligne Gaston Bachelard :
« … un objet scientifique n’est instructeur qu’à l’égard d’une construction préliminaire à rectifier, d’une construction à consolider….
Le rationalisme est une philosophie qui continue ; il n’est jamais vraiment une philosophie qui commence. »

D’autre part les postulats contiennent une variété d’éléments nouveaux divers originaux, rien qui puisse suggérer la moindre standardisation, la moindre répétition. Cela peut être une notion ou une relation ou même l’existence d’une substance (par exemple la « matière noire »)…Le postulat n’est donc pas une simple hypothèse « directe » et n’a rien à voir avec le fait d’ « avoir une idée ». Par exemple pour énoncer son postulat de la force gravitationnelle, Newton a inventé le calcul différentiel.
Certains postulats supposent une vision de quelque chose, cette vision même si elle survient par le plus grand des hasards n’est pas le fruit du hasard, Poincaré écrivant des équations sur la capote d’un fiacre est une anecdote amusante mais il s’agissait de Poincaré et non pas du cocher du fiacre. C’est peut-être une possible illustration de ce que Bachelard écrivait au sujet des idées scientifiques :
« Tant qu’on a pas réalisé le double ancrage dans le monde du sujet et dans le monde de l’objet, la pensée n’a pas trouvé les racines de l’efficacité ».
Oui pensée, intellection, esprit….le tout dans le postulat de quelque chose par quelqu’un à un moment donné.
Robert insiste sur le fait que la valeur du postulat, c’est sa vérification au niveau de la réalité des phénomènes qui en seraient la conséquence. Pratiquement le postulat ne vaut que par sa vérification et d’ailleurs Robert généralise, toute idée, concept, notion…croyance ne valent que par la preuve de leur manifestation.
L’histoire montre que concevoir l’expérience de vérification n’est souvent pas une mince affaire et s’est parfois avéré être une affaire de génie avec mille péripéties. Mais Robert ne nous en parle pas, ceci rehausserait pourtant sa thèse qui est celle du primat de la vérification. Non il préfère nous rappeler la lignée des postulats, de leurs auteurs et de leurs dates. Nous le comprenons car une fois vérifié ce qui compte c’est le contenu du postulat, c’est par lui que nous apprenons quelque chose. Le postulat contient les intuitions, les visions et pour tout dire les intellections de son inventeur et nous ouvre l’esprit sur des matières, des notions, des relations inédites à leur époque.
Certes dans la physique moderne le contenu paraît si loin de toute interprétation sensible que seuls demeurent, pour le moment, des postulats désincarnés que seule la vérification pourra attester, c’est sans doute ce qui faisait dire à Gaston Bachelard :
« Le monde est alors moins notre représentation que notre vérification ».
Se satisfaire de cette connaissance indirecte serait aller vers l’assèchement de l’imagination et même de l’imaginaire, car finalement ce qui marche ou qui réussit serait reconnu comme seul réel or l’homme a besoin pour comprendre d’un réel dans son tout. Hervé Barreau l’a compris depuis longtemps :
« Mais l’idée d’un univers qui n’aurait aucun lien avec les moyens que nous possédons de l’identifier n’est qu’une pseudo- idée, un mythe plus inconsistant encore que les mythes d’autrefois. »
Un grand mathématicien, Von Neuman, je crois, a déclaré que l’on ne comprenait pas les innovations en mathématiques, on s’y habituait. De la même façon que l’on s’habitue à quelqu’un….Par ailleurs peut-être faut-il s’habituer à quelqu’un pour le comprendre.
Nous avons aimé la physique classique si habituelle et que nous comprenons si bien. Nous aimerons cette physique moderne à condition de puiser sans réserve dans les mythes qui sont constitutifs de notre existence cosmique. Nous avons bon espoir sur ce sujet car nous sommes persuadés que « certains aspects et fonctions de la pensée mythique sont constitutifs de l’être humain ».J.L. Dumoulin

dimanche 31 août 2008

La connaissance scientifique est fondée sur une succession de postulats (J.L. Dumoulin et Robert Heikes)

J.L. Dumoulin s’entretient avec Robert Heikes( 1ère partie)


(Robert Heikes est un savant de réputation internationale, élève d’Enrico Fermi, il est docteur en Physique d’une prestigieuse université Américaine et a été, entre autres, Directeur de recherche dans des Observatoires astronomiques de pointe, il vit actuellement dans le sud de la France et est le promoteur de postulats révolutionnaires tel que de celui la quantification de l'espace-temps)

JLD. Robert, avant d’en venir à tes postulats, j’aimerais que tu expliques à nos lecteurs, ce qu’est un postulat et comment les postulats font avancer la connaissance scientifique.
RH. Les postulats sont à la base de la connaissance scientifique. Ils sont une part essentielle de la méthode analytique. Trois postulats seulement et les symétries associées sont nécessaires pour expliquer tous les phénomènes après le temps de Planck (~10^-44 s après
t ≈ 0, là où la mécanique quantique et la relativité générale ne semblent plus s’appliquer.) Ce sont : la vitesse de la lumière(c), la constante de Planck (ħ), la constante gravitationnelle (G).
Les valeurs de ces trois constantes sont connues par des expériences et des mesures. Il n'y a actuellement aucune manière de parvenir à ces valeurs par des calculs théoriques.
JLD. Comment est-ce que nous arrivons à « savoir » ? En d’autres termes expliques-nous comment les savants peuvent arriver à faire avancer la connaissance scientifique ?
RH. En utilisant la méthode analytique. Je la définis de la manière suivante : suggestion de postulats, prévisions de résultats à partir de ces postulats et « vérification expérimentale » des résultats attendus.
Plus une série de postulats produira des prévisions vérifiables, plus ce ou ces postulats seront acceptables ainsi que la/les connaissances qui en découlent. Si un ensemble donné de postulats ne produit aucune prévision vérifiable, il est inutile au regard strict de l'enrichissement de la connaissance.
Si des résultats expérimentaux sont favorables à un postulat, chacun, en dehors de toute considération extrascientifique, considérera ce postulat comme plus acceptable que les postulats qui le précédaient
Un postulat ne peut pas être déduit d'autre chose. La science est entièrement basée sur des postulats qui par leur nature même sont impossibles à démontrer.
D’où nous viennent les postulats ? Nous les inventons, nous faisons des conjectures. Les postulats sont à l’origine des grands bonds de la science et de la connaissance. Il est nécessaire de trouver le plus petit ensemble de postulats qui nous permettent de comprendre un ensemble de phénomènes le plus vaste possible.
La connaissance a avancé de cette manière, elle n'est rien de plus qu'une prévision logique à partir de postulat(s). Plus clairement, une prévision découlant d’un postulat ne contient pas plus de "vérité" que ce postulat sur lequel la prévision ou théorie est elle-même basée.
Cependant, à ce stade, la méthode scientifique exige qu'on utilise ce même postulat pour prévoir des résultats plus généraux que ceux liés à l’étude de tel phénomène particulier ; car s'il ne peut en être ainsi, ce postulat est sans utilité pour la science, et il sera rejeté. Un postulat ne peut pas être avancé simplement pour expliquer un seul phénomène ! Autrement, nous aurions un nouveau postulat à chaque fait expérimental.
Si les prévisions initiales, fondées sur le postulat, sont confirmées, le postulat peut être maintenu, sinon, il sera abandonné. Mais même s’il est maintenu, la science continuera à le tester indéfiniment en faisant d'autres prévisions. Et si par hasard, une seule prévision du postulat n'est pas confirmée, le postulat sera considéré comme suspect et sera probablement abandonné.
J’insiste, la science ou la méthode analytique n'explique rien. Toute la science, en fait, toute la connaissance, est basée sur des postulats. Puisqu'un postulat n'a aucune preuve, toutes les "explications" doivent être considérées comme provisoires.
En science, il est impératif de douter. Rien n'est certain ou avéré en dehors du doute. Si nous regardons plus loin, nous constatons que les énonciations de la science ne portent pas sur ce qui est vrai ou sur ce qui n'est pas vrai, mais sur ce qui est connu avec différents degrés de certitude : il est beaucoup plus probable que ceci soit vrai et que cela soit faux. Chacun des concepts de la science est quelque part sur une échelle graduée entre le vrai et le faux. Il est très important de reconnaître l'ignorance.
JLD. Si je comprends bien, Robert, les nouveaux postulats sont souvent des généralisations d’anciens postulats.
RH. Une nouvelle théorie incorpore invariablement la théorie plus ancienne en tant que son approximation liée aux données expérimentales de son temps. La science a progressé d'une manière assez linéaire. La science est une reformulation continuelle du passé. Newton a généralisé les postulats de Galilée dont les résultats sont des approximations de ceux de Newton. Einstein a généralisé les postulats de Newton mais les résultats de Newton étaient une approximation de la théorie d'Einstein. Les résultats d'Einstein et d’Heisenberg, à leur tour, attendent leur généralisation.
JLD. Et maintenant peux-tu illustrer par quelques exemples ce que tu viens de nous dire ? Je suppose qu’il va s’agir de postulats qui fondent notre connaissance de l’univers et qui t’ont conduit à tes propres postulats ?
RH. Oui, tout a fait et surtout ce qu’il faut voir c’est que les postulats changent avec le temps. Je ne ferais pas une liste exhaustive, cela serait fastidieux pour tes lecteurs mais à la fin je te résumerai l’ensemble des postulats les plus récents. Commençons par le commencement :
Le postulat d’Euclide (environ 350 av J.-C.) : « on ne peut tracer une droite et qu’une seule passant par un point donné et parallèle à une autre droite. »
Sans ce postulat tu ne peux pas prouver que la somme des angles d’un triangle vaut 180 degrés. C’est la première tentative d’analyse de la géométrie de l’espace. Pendant 2000 ans la géométrie « Euclidienne » a été utilisée pour décrire la structure de l’univers.
Le postulat de Galilée et Newton (1600-1660 ap.J.-C.) : « Force = masse x accélération = m1a »
Ce postulat a été accepté pendant 240 ans. Rappelles-toi que c’est juste un postulat. C’est une invention de l’esprit de Newton.
Les postulats de Newton (environ 1670 ap. J.-C.) : « la force gravitationnelle est inversement proportionnelle au carré de la distance et proportionnelle aux masses. », « la masse gravitationnelle doit être égale à la masse inertielle ».

Le postulat de Riemann (environ 1865 ap. J.-C.) : « possibilité d'une géométrie non-euclidienne »
Il a eu l’idée d’ une géométrie où le postulat des parallèles d’Euclide ne serait pas valable. On peut avoir une géométrie où il n’y a pas de parallèle ou avec infiniment de parallèles. Ce sera la géométrie utilisée pour la Relativité Générale, 50 ans plus tard, en 1915. Ce sont les espaces courbes.
Le postulat de Planck (environ 1900 ap. J.-C.) : « L’énergie n’est pas continue ». La constante de Planck, ħ, est introduite.
A la fin du 19ème siècle, il y avait une difficulté dans la théorie du rayonnement de la lumière. La théorie disait que l’énergie dans l'ultraviolet devait être infinie. Cela ne pouvait pas être vrai.
L’énergie n’était pas continue contrairement à tout ce qui avait été admis jusqu’alors.
C’était le début de la Mécanique Quantique. Il a fallu un quart de siècle pour arriver à sa forme quasi définitive. C’est le travail d’Einstein, Bohr, Heisenberg, Schrödinger et Dirac.
Il est important de noter que la valeur de la constante de Planck doit être déterminée par l’expérience comme je l’ai déjà signalé en introduction. C'est donc aussi un postulat.
Le postulat d’Einstein (environ 1905 ap. J.-C.) : « la vitesse de la lumière est une constante universelle »
Albert Einstein a postulé que la vitesse de la lumière est une constante universelle et que toutes les lois de la physique sont valables dans n‘importe quel endroit de l’univers. Ce postulat a complètement modifié les postulats de Galilée, Newton et Maxwell. Il a résolu le débat entre Maxwell et Galilée. Il a montré que le temps et l’espace sont inextricablement liés. C’est la relativité restreinte.
Il est important de noter que la valeur de la vitesse de la lumière doit être déterminée expérimentalement… postulat.
Le Postulat d’Einstein (1915 ap. J.-C.) : « la masse inertielle est égale à la masse gravitationnelle. »
Albert Einstein a aussi proposé plus tard le principe d’équivalence (Relativité Générale) :
Si un homme est dans un vaisseau spatial, il ne peut pas faire la différence entre deux situations : (1) le vaisseau est en accélération et (2) le vaisseau est dans un champs gravitationnel.
C’est ce qui l’a conduit à la géométrie de Riemann et à la courbure de l'espace. Ce postulat remplace celui de Newton sur la gravité.
Il est important de noter que la valeur de la constante gravitationnelle doit être mesurée expérimentalement. C'est un postulat.
JLD. Tu nous montres bien que les postulats changent dans le temps à travers ces découvertes que nous connaissons déjà au moins par leur nom. Qu’en est-il des postulats plus récents qui t’ont conduit dans tes propres travaux?
RH. Il y a bien sûr les équations de Heisenberg, Schrödinger, Dirac qui développent la mécanique quantique.
Mais plus près de nous, il y a le postulat de Georges Gamov qui situe l’origine de l’univers au Big Bang.
Il y a aussi le postulat de l’inflation de Guth qui date des années 1980 : il apparaît que l’univers n’a pas pu commencer avec le Big Bang. Avant, il y a eu une énorme expansion de 10^50 fois. Elle se passe à 10^-34 s. après t ≈ 0. Nous sommes presque arrivés au « commencement » de l’univers.

(Suite de cet entretien dans un article ultérieur)

jeudi 28 août 2008

L'efficacité "déraisonnable" des mathématiques sur la réalité physique (L'Epistémologie d'Hervé Barreau)

Extrait de "L'Epistémologie" d 'Hervé Barreau - PUF- Que sais-je ? page 48

(Hermite, mathématicien du XIXe, écrivait : )
« Il existe, si je ne me trompe pas, un monde formé d’un ensemble de vérités mathématiques auquel nous avons accès qu’au moyen de notre intelligence , comme dans le cas du monde de la réalité physique ; l’un et l’autre sont indépendant de nous, tous deux sont des produits de la création divine, mais sont une seule et même chose au regard d’une pensée plus puissante. La synthèse de ces deux mondes se révèle partiellement dans la merveilleuse correspondance entre les mathématique abstraites d’une part et toutes les branches de la physique de l’autre »
Cette doctrine de l’identité des deux mondes, (Page 50), celui dont nous esquissons les formes et celui dont nous recevons l’empreinte à travers la perception sensible, a été reprise aujourd’hui par un autre mathématicien, René Thom , qui voit une seule dynamique à l’origines de toutes les formes, qu’elle soient en nous ou hors de nous : « La dynamique intrinsèque de notre pensée n’est pas fondamentalement différente de la dynamique agissant sur le monde extérieur ». La question, en effet, est de faire disparaître l’étrangeté de la correspondance ,soulignée par Einstein, entre des idées abstraites et des processus concrets, alors qu’il est clair que les premiers ne dérivent pas des seconds .
Hermann Weyl, qui était intuitionniste dans sa philosophie des mathématiques pures, devenait platonicien dans sa philosophie des mathématiques appliquées. Il croyait à « une harmonie inhérente à la nature qui se réfléchit elle-même dans nos esprits ».
Mais c’est encore Lautman qui a exprimé avec le plus de justesse, semble-t-il, cette harmonie cachée qu’il est difficile de mettre en rapport avec l’historique des découvertes : « Les matériaux dont est formé l’univers ne sont pas tant les atomes et les molécules que ces grands couples de contraires idéaux comme le Même et l’Autre, le Symétrique et le Disymétrique associés entre eux selon les lois d’un harmonieux mélange.
Aujourd’hui la théorie des particules élémentaires serait une meilleure illustration à cette position de Lautman que les exemples qu’il pouvait produire lui-même.
C’est qu’il n’y a pas d’explication qui pourrait rendre compte de cette efficacité « déraisonnable » selon le mot du Physicien Wigner, des mathématiques sur la réalité physique.
Elle frappe et elle séduit, comme cette beauté, dont aucun théoricien des mathématiques ne peut donner raison, mais qui n’en constitue pas moins un indice frappant d’une réalité profonde. Que cette beauté ne soit pas seulement intérieure aux mathématiques pures mais qu’elle s’exprime également dans les théories de la physique mathématique, est une raison de plus pour tenir les mathématiques comme une expression, non seulement de la raison humaine, mais d’une raison transcendante à l’œuvre dans l’Univers. C’est pourquoi, alors que le logicisme et le formalisme rendent sensible la raison humaine dans son langage propre, l’intuitionnisme rendent davantage manifeste une raison créatrice dont l’Univers est un langage qui, comme le pressentait Galilée, est en grande partie accessible à notre langue mathématique.

jeudi 7 août 2008

Pensée scientifique ou mythique par J. L . Dumoulin

Théories et mythes, une étude de cas…



Vers une cosmogonie scientifique

L’homme a chevillé au corps et à l’esprit, le besoin de percer à jour le mystère de l’origine du monde, de mettre en lumière les origines de la vie et de l’esprit. Attesté chez les Peuplades les plus « Primitives », ce désir subsiste chez l’homme « moderne ».
Cette anxiété des origines et disons le, des choses, amène à penser leur commencement, celui de l’Univers, de la vie et a suscité dans le passé lointain des hommes l’apparition de mythes, mythes cosmogoniques, relatifs à la création de l’univers, mythes de création, relatif à l’apparition de l’homme et à son destin sur terre. Certaines Populations qualifiées de « primitives ou archaïques » encore vivantes ou récemment vivantes disposent ou disposaient de mythologies.
Si pour l’homme moderne un mythe est par définition quelque chose de « faux » au sens de non établie, qui ne correspond pas à une réalité constatée ou vérifiable, pour ces Peuples dont nous parlons le mythe ou les mythes sont tout le contraire. Pour Eux les mythes fondent la réalité et on peut affirmer qu’il ne peut y avoir de chose plus « vraie », « réelle » pour ces Populations que leurs mythes.
Certes nous savons tous qu’il y a des « mythes » dans nos sociétés contemporaines. Mais il s’agit la plupart du temps de mythes qui n’ont, du moins en apparence, pas grand chose à voir avec les « grands » mythes, mythe cosmogoniques ou mythes de création de nos prédécesseurs des « temps anciens » et …révolus. Il suffit pour s’en convaincre de lire ou relire le livre de Roland Barthes « Mythologies ».
Il est possible que la notion même de « grands mythes » soit complètement désuète et presque incongrue au regard de l’accumulation des connaissances scientifiques modernes.
Même s’il y a eu plusieurs théories scientifiques qui prétendaient rendre compte de la « création » ou de l’origine de l’Univers, une a fini par accumuler suffisamment de preuves de sa probabilité qu’elle est pratiquement devenue la théorie admise . Nous savons par les journaux et aussi la télévision que la théorie du « Big Bang » a triomphé. Elle a triomphé parce qu’elle a pu « expliquer » un nombre considérable de phénomènes de ce monde que nous constatons : l’existence des éléments chimiques, des plus légers au plus lourds, la formation des étoiles et des galaxies, dans une certaine mesure, l’expansion de l’univers, ect…. Elle a été aidée en cela par les découvertes de grands Astronomes et de grands Astrophysiciens mais aussi par une association de plus en plus étroite de l’astrophysique avec la physique et plus singulièrement avec la physique des particules. La symbiose est si profonde que l’astrophysique sert de champ d’expérience à la physique et que les expériences de la physique servent à l’astrophysique. Les victoires ou les échecs de l’une constituent souvent aussi les victoire ou les échecs de l’autre. Avec un nouvel accélérateur de particules au CERN à Genève, le LHC, « prouesse expérimentale », les physiciens espèrent parachever la nouvelle physique atomique dite du modèle standard et par là même conforter la théorie du Big Bang. Anticipant à peine les événements un grand physicien Français, Michel Spiro, Directeur de l’IN2P3 du CNRS, impliqué dans le LHC, a pu affirmer que pour la première fois de son histoire l’homme entrait dans l’ère de la cosmogonie scientifique c'est-à-dire, en filigrane,… non mythologique. Très bien. (Conférence du 11/10/07 à la Cité des Sciences – Paris Porte de la Vilette)
Cette certitude va-t-elle- mettre un terme à toutes les spéculations sur les commencements et l’origine de l’Univers. Il semble que non. A l’intérieur même de la maison « science du modèle standard », un Physicien, médaille d’argent du CNRS, écrit « Le modèle standard qui est intimement associé à ces prouesses expérimentales (le « LHC ») n’est sans doute pas l’ultime théorie » (Patrick Janot in « Pour la Science » N° 361 11/07 p.104)

Cependant disposer d’un récit détaillé du Big Bang assorti d’équations qui expliquent les principaux composants et phénomènes qui forment l’ univers tel que nous pouvons le connaître voilà qui montre les progrès étonnants de la Science moderne . Néanmoins même si cette connaissance des choses donne une grande assurance à beaucoup elle ne suffit pas pour autant à tous. La voie est plus que jamais ouverte à toutes sortes de spéculation sur ce que pourrait être un principe premier de l’Univers ou sur ce qui précèderait l’Univers ou sur une pluralité d’Univers…Nous savons aussi que les mythes cosmogoniques ouvrent la voie aux mythes de création, il doit en être de même pour les théories correspondantes. Donc loin de clore le débat, cette belle certitude n’empêche pas l’apparition de théories compréhensives de l’Univers au fondement plus ou moins scientifique. Celles-ci peuvent éventuellement s’avérer un terreau fertile à l’éclosion de futurs acquis scientifiques. C’est de l’une de ces théories dont nous faisons maintenant mention.
Très compréhensive de l’univers, elle ambitionne aussi d’englober l’évolution de l’humanité. Proposée par un Physicien des Sciences de l’Univers, Monsieur François Roddier, cette théorie a été exposée dans plusieurs articles et publiés sur internet (http://www.comite83.org/agora-astronom/). Notre analyse porte plus spécifiquement sur un de ces articles intitulé :

« Où va l’humanité ? L’évolution des sociétés humaines suit les lois de la mécanique statistique. Juin 2007 »
(les textes entre guillemets sont extraits de l’article de François Roddier)

En résumé cette théorie indique
que l’univers et l’homme ne sont pas immuables mais qu’il existe quelque chose d’ invariant, l’énergie présentée « comme quantité invariante ».
Intervient ensuite un principe général qui est celui de la « maximisation de la dissipation d’énergie » par les composants de l’univers, tous présentés comme des « structures dissipatives d’énergie ». Les planètes, les étoiles, l’homme …sont des structures dissipatives d’énergie.
Cette dissipation est irréversible.
Cette maximisation est le fondement de la sélection naturelle-« la grandeur maximisée par la sélection naturelle est le taux de dissipation de l’énergie » et du phénomène d’auto-organisation-« La matière, les gènes, les cellules, les individus s’auto-organisent pour dissiper toujours davantage d’énergie. …Nous (les hommes) sommes génétiquement programmés pour dissiper toujours plus d’énergie »- .
Comprenons donc qu’en vertu des lois de la mécanique statistique, nous sommes tous autant que nous sommes dans l’univers fait pour dissiper la plus grande quantité d’énergie que nous puissions.
L’information intervient également dans cette théorie parce que « plus l’information circule, plus l’énergie se dissipe ». Il y a équivalence entre information et énergie. Chez les hommes, elle prend une telle importance que l’évolution culturelle supplante l’évolution génétique les « mèmes » (analogues mentaux du gène, unité d’information culturelle transmissible – Richard Dawkins) « contrôlent et remplacent les gènes ». Qui plus est, dans les sociétés humaines, l’énergie c’est donc l’information mais l’information n’est accessible que par le capital financier et culturel. On est ainsi amené à établir une identité entre énergie et capital financier et culturel.

L’évolution qui résulte de tout ceci se heurte cependant à des phénomènes contrariants, « Plus le système dissipe de l’énergie, plus l’environnement évolue vite et plus tôt une restructuration se produit ». On arrive ainsi à une « bifurcation » ou « point critique ». Beaucoup de ces structures dissipatives sont systématiquement attirées vers un état proche du point critique qui déclenche un phénomène d’auto-organisation, c’est la restructuration. Ce processus, général, explique beaucoup de choses, le Big-Bang, la formation des galaxies, des amas de galaxies, des superamas, des planètes, le développement d’ un embryon, l’évolution des écosystèmes, les changement de systèmes politiques, le libéralisme, la colonisation, les deux guerres mondiales… . « Il y a nécessité d’une restructuration continuelle ».

Ces restructurations peuvent s’avérer dangereuses, risquant de faire disparaître les entités concernées dans les cas extrêmes. Il est nécessaire qu’un mécanisme de reproduction très efficace se mette en place, tel que le nombre d’entités crée dépasse le nombre d’entités qui disparaissent dans la restructuration.

Ceci conduit à une population en forte croissance en ce qui concerne l’espèce humaine, à l’épuisement des ressources et à la pollution de l’environnement. L’origine de ces maux réside dans la fatalité du principe de dissipation maximale d’énergie dont la traduction courante est la croissance économique. Si la nature souffre de cette fatalité, l’homme n’est pas en reste : « le résultat c’est moins de liberté, moins d’égalité, moins de fraternité », « la densité de population continue à croître et les libertés individuelles à décroître. La société devient encore plus oppressive et répressive ».
Echapper à la fatalité du principe est-il possible ? Y- aurait-il un précédent ?
OUI ! L’ancêtre des bactéries, les procaryotes ont vécu sur terre pendant deux milliards d’années sans évolution notable, partageant la nourriture et en toute fraternité-ils sont naturellement jumeaux-, « l’idéal républicain s’applique parfaitement aux procaryotes ».
Si nous (les hommes) ne nous inspirons pas des procaryotes la fin risque d’être catastrophique. En effet, " la dégradation de l’environnement devient visible dans le temps d’une génération, signe d’un nouveau séisme à l’échelle mondiale. Le coût d’une nouvelle restructuration commence à paraître prohibitif non pas sur le plan humain mais sur le plan économique ».
« On comprend maintenant la fatalité de l’histoire. Le même processus se répète sans cesse, de façon chaque fois différente. …c’est le processus de dissipation de l’énergie. La cause de tous nos maux semble maintenant élucidée »
Il faut organiser une décroissance. Heureusement « le phénomène de production maximale d’entropie n’est qu’une propriété statistique valable pour un nombre suffisant d’éléments. Si notre planète se réduit à une société unique d’individus solidaires, il ne s’applique plus. Dans son ensemble, l’humanité reste maîtresse de sa destinée. Il suffirait donc de limiter (volontairement) notre taux de dissipation de l’énergie. Certains appellent cela le développement durable »….
Et ainsi « L’homme est enfin maître de son destin », « c’est le retour à un idéal humaniste, la renaissance des libertés individuelles, l’éducation devient une priorité majeure. Ayant atteint l’âge de raison, l’humanité est devenue adulte ».

Une dégradation est en marche
(Les citations en italique et entre guillemets sont tirées de textes de Mircéa Eliade)


Il est certainement inutile de se poser la question de savoir si nous sommes en présence d’une théorie scientifique, le champ embrassé par l’Auteur est trop large et hétérogène. La réponse tombe donc sous le sens. En dépit du caractère péremptoire du sous-titre, « l’évolution des sociétés humaines suit les lois de la mécanique statistique », on a affaire à une théorie qui ne peut se dire scientifique et qui d’ailleurs ne le revendique pas directement, prenant juste l’habit de propos scientifiques. Notons néanmoins que, par exemple, Trin Xuan Thuan mentionne dans son ouvrage « Origines ». ce type d’approche compréhensive de l’Univers à base d’auto-organisation et de bifurcations, c’est donc là quelque chose d’ avérer et de sérieux dans le domaine de la physique.


Dans cette théorie, nous trouvons une explication non seulement de l’état de l’univers mais aussi de la Condition Humaine à travers 3 principes qui en sont les fondements actifs dès « la création » du monde, le Big Bang. Ces 3 principes sont : l’énergie est un « invariant », la contrainte de dissipation maximale d’énergie, la propriété d’ auto-organisation. Depuis l’origine, le temps s’écoule avec son lot continu et inévitable de restructurations fruit de l’auto-organisation . Le temps est irréversible et semble conduire le monde et l’homme dans un avenir de dégradation. Mais toute fin du monde est pressentie comme impossible, en vertu des principes initiaux, en particulier celui de la dissipation de l’énergie, « la vie ne saurait cependant s’arrêter là car l’énergie cesserait de se dissiper… » nous dit François Roddier. Nous comprenons donc qu’il n’y a pas de fin prévisible et qu’une l’histoire se déroule qui laisse, sans qu’on nous l’exprime vraiment, le champ à un certain libre-arbitre humain. L’histoire telle qu’elle nous est présentée a pour conséquence l’accroissement inconsidéré des souffrances des hommes et de la nature, la société devient de plus en plus « oppressive et répressive ». Une machine infernale est en marche générant avant toutes choses peur et angoisse vis-à-vis du lendemain, vis-à-vis du temps.

Cette décrépitude en cours du monde rappelle certains mythes et ce qu’en dit Mircea Eliade dans « Aspects du Mythe » page 81,
« En somme, ces mythes de la Fin du Monde, impliquant plus ou moins clairement le re-création d’un Univers nouveau, expriment la même idée archaïque, et extrêmement répandue, de la dégradation progressive du Cosmos, nécessitant sa destruction et sa re-création périodiques. »
Pour beaucoup de « primitifs « le monde dégénère implacablement par le simple fait qu’il existe ».
Et dans « Nostalgie des Origines », au sujet des Indiens d’Amazonie, page 174
« Pour les Guaranis, l’humanité, aussi bien que la terre elle-même, sont fatiguées de vivre et de travailler et aspirent au repos.
« Je suis épuisée, gémissait la terre. Je suis rassasiée des cadavres que j’ai dévorés. Laissez-moi me reposer, Père. Les eaux aussi imploraient le Créateur de leur accorder le repos et les arbres… et ainsi la nature tout entière
». Rappelons que travail est un autre mot pour énergie . Nous retrouvons là l’idée de décroissance nécessaire.
Bien évidemment, nous n’assimilerons pas ces « pensées archaïques » aux concepts modernes d’entropie, de dissipation d’énergie mais peut-être à leur préfiguration.

Que nous propose François Roddier ?

Un modèle

De nous inspirer des « procaryotes », ces pré-bactéries sont ainsi promues au rôle de « héros civilisateurs » au même titre que les « héros civilisateurs » des mythologies du passé dont les comportements devaient être imités ou qui étaient à l’origine d’un savoir-faire unique et l’avaient transmis aux hommes, par exemple faire du feu, semer… . Faire du feu, semer n’allaient pas sans invoquer les mannes des « héros civilisateurs » correspondants et ainsi remonter aux temps mythiques des commencements où tout trouvait force, efficacité et réalité. Ainsi, également, l’évocation des « procaryotes » permet de retourner à la source jaillissante de toute survie, « l’idéal républicain » dont les procaryotes constituent le modèle car en effet,
« ..les Ancêtres vivaient une existence qui ignorait les inhibitions et les frustrations qui dominent toute communauté humaine organisée », « Nostalgies des Origines » page 144.

Une Société d’initiés

Atteindre ou ré-atteindre cet idéal suppose de « réduire » la planète à « une société unique d’individus solidaires » et aussi de donner la priorité absolue à l’éducation. Si cette « société unique réduite » d’individus solidaires n’est peut-être pas une société « secrète », elle est probablement une société d’initiés. Probablement a-t-elle la connaissance des 3 principes fondateurs du monde et se réfère –t-elle aux procaryotes. D’où l’importance de l’initiation, disons de l’éducation. A ce stade on peut tenter une homologation avec les rites d’initiation de peuples dits primitifs, car dans la mythologie de ces peuples le « vrai homme »n’est pas donné, les rites, l’éducation, « révèleront aux nouvelles générations le sens profond de l’existence et les aideront à assumer la responsabilité d’être un homme véritable », « Nostalgie des Origines » p. 190. Il y a là une certaine similitude avec « l’âge de raison et l’humanité devenue adulte » de François Roddier.



Un monde cyclique

Un aspect cyclique est présent dans la théorie de la mécanique statistique de l’évolution des sociétés humaines. Nous lisons que c’est « toujours la même histoire qui recommence sans fin », nous allons de bifurcation en bifurcation, de rupture de symétrie en rupture de symétrie avec ces restructurations qui sont autant de reconstruction à partir du chaos. Que l’Auteur associe en fait le chaos au libéralisme n’a aucune importance, il est évident que le chaos est tendanciellement inéluctable dans sa théorie et nous savons aussi que « la chute (la perte) de l’ordre de l’existence (telle qu’elle est) et le retour de cet ordre sont un problème fondamental de l’existence humaine. » Du point de vue de la cyclicité on retrouve ici quelque chose d’analogue à la fatalité des réincarnations successives de l’homme chez les Hindous avec son lot d’épreuves toujours recommencé. On retrouve aussi cette cyclicité dans nombre de mythologies, « les Mésopotamiens sentaient que le commencement était organiquement lié à une fin qui le précédait, que cette fin était de la même nature que le « Chaos » d’avant la création, et que c’était pour cette raison que la fin était indispensable à tout recommencement. », « Aspects du mythe » p.67
Et qui plus est « …, on croit dans la possibilité de récupérer le « commencement absolu », ce qui implique la destruction et l’abolition symboliques du vieux monde. La fin est donc impliquée dans le commencement et vice et versa » ,« Aspects du mythe » p.69.Avec François Roddier nous revenons aux sources, non seulement aux procaryotes mais aux principes mêmes de la cosmogonie, ceux de la création du monde et nous abolissons le vieux monde, incidemment incarné par « le libéralisme ». Finalement l’Auteur demande à réécrire l’histoire, à abolir le temps écoulé.
Nous pouvons vérifier ici que le mythe cosmologique (création de l’univers) sert toujours bien de modèle au mythe de création (apparition de l’hommes et de ses modes d’être).

Un monde cyclique ne connaît pas de fin du monde définitive alors que : « dans la conscience des Occidentaux, cette fin sera radicale et définitive ; elle ne sera pas suivie d’une nouvelle Création du Monde ». La « mécanique statistique » semble nous faire sortir de la conception judéo-chrétienne classique de fin du monde (définitive) pour nous faire réintégrer des conceptions qui ont été longtemps les conceptions dominantes chez les hommes et qui ont été longuement étudiées sous l’appellation d’ « éternel retour ».
Mais ceci à une autre conséquence, dans un monde cyclique, les événements et par conséquent le temps deviennent réversibles et comme le souligne Mircéa Eliade : « C’est ici que l’on saisit la différence la plus importante entre l’homme des sociétés archaïques et l’homme moderne : l’irréversibilité des événements qui, pour ce dernier, est la note caractéristique de l’Histoire , ne constitue pas une évidence pour le premier » (« Aspect du mythe »p. 26).
Là encore la « mécanique statistique » pourrait peut-être ouvrir de nouveaux horizons forts anciens.

Finalement et d’une façon plus générale la théorie de Monsieur Roddier est une explication du pourquoi et du comment du monde, en cela même elle peut être comparée à un mythe,
« En effet les mythes relatent non seulement l’origine du Monde, des animaux, des plantes et de l’homme, mais aussi tous les événements primordiaux à la suite desquels l’homme est devenu ce qu’il est aujourd’hui, c'est-à-dire un être mortel, sexué, organisé en société, obligé de travailler pour vivre, et travaillant selon certaines règles ». « Aspects du mythe »p.23
« Le mythe (par rapport aux contes et fables) lui (à l’homme archaïque) apprend les « histoires » primordiales qui l’ont constitué existentiellement, et tout ce qui a rapport à son existence et à son propre mode d’exister dans le cosmos le concerne directement. » idem p.24

Comme dans tout bon mythe « on ( y) apprend non seulement comment les choses sont venues à l’existence, mais aussi à les trouver et comment les faire réapparaître lorsqu’elles disparaissent. »

Conclusion

Evidemment ce « mythe scientiste » de la mécanique statistique n’a pas la stature des mythes anciens. La raison en est simple, il n’est pas ancré dans la plus immense et la plus libre des réserves imaginaires et symboliques, celle du surnaturel. Ce n’est pas non plus un petit mythe moderne, c’est un mythe dégénéré sans que ce qualificatif soit là péjoratif. Les anciens Dieux qui venaient nous visiter sur terre et auxquels nous rendions visite au ciel sont remplacés par des concepts, des lois de la physique, de l’idéologie et beaucoup d’assurance.

Il a quand même le grand mérite de nous rappeler que « le besoin de s’introduire dans des univers « étrangers » et suivre les péripéties d’une « histoire » semble consubstantiel à la condition humaine et par conséquent, irréductible ».Nous y voyons aussi la confirmation que « certains aspects et fonctions de la pensée mythique sont constitutifs de l’être humain ». Un merci sincère donc à François Roddier.
Monsieur Spiro sera-t-il d’accord ? Sa conférence était pourtant une bien belle histoire d’aventure.
Jean-Louis Dumoulin, Ansouis, juillet 2008

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